Dans son arsenal des aides pour doper la rénovation énergétique, l’État compte beaucoup sur les certificats d’économie d’énergie (CEE) afin d’accompagner financièrement les particuliers. Malheureusement, une énième enquête montre combien les travaux financés par ces CEE laissent souvent à désirer.
C’est le principe du pollueur-payeur. Sous peine de verser de lourdes amendes, les fournisseurs d’énergie, doivent aider au financement des travaux de rénovation. Concrètement, le particulier qui isole sa maison ou change de mode chauffage peut ainsi bénéficier de certificats d’économies d’énergie (CEE), que les enseignes de grande distribution -aussi vendeuses de carburant- lui échangeront volontiers contre des bons d’achats. Le dispositif est rodé -il a été lancé en 2005-, de 2018 à 2021, près de 3 millions de travaux en France rien que pour les opérations “coup de pouce”.
Plus de la moitié des travaux d’isolation des combles (51%) sont considérés non conformes. Pour les travaux d’isolation de murs par l’extérieur, ou pour des travaux d’isolation de planchers bas, on frôle les deux tiers de non-conformités (respectivement 64% et 65%).
Sur le papier, le principe est vertueux (d’autant qu’il ne coûte pas un sou à l’État). En pratique, il bénéficie d’une réputation peu flatteuse, parce que ces travaux sont loin d’être toujours réalisés dans les règles de l’art. Spekty, justement spécialisé dans le contrôle des CEE, s’est livré à une petite enquête en vérifiant 36.300 opérations de rénovation réalisées entre avril 2021 et octobre 2022. Le bilan est affligeant. Plus de la moitié des travaux d’isolation des combles (51%) sont considérés comme non conformes. Pour les travaux d’isolation de murs par l’extérieur, ou pour des travaux d’isolation de planchers bas, on frôle les deux tiers de non-conformités (respectivement 64% et 65%).
Les règles de l’art ne sont pas toujours respectées, les surfaces déclarées sont surestimées, parfois dans des proportions abracadabrantesques. Un peu comme pour MaPrimeRénov’, malgré les sommes colossales englouties, l’efficacité de ces travaux est loin d’être toujours démontrée. Le bureau de contrôle Spekty évoque même des travaux qui peuvent avoir de fâcheuses conséquences. En matière d’installations de pompes à chaleur (Pac), le taux de non-conformité atteint (seulement) 13%, mais certaines anomalies se révèlent parfois dangereuses avec un risque électrique.
L’État serre la vis
Ce n’est pas la première fois que les CEE se retrouvent dans le collimateur. Le dispositif était déjà controversé depuis de nombreuses années, les fameuses opérations “coup de pouce”, où le particulier pouvait par exemple s’offrir l’isolation de ses combles pour soi-disant un euro, n’ont guère arrangé les choses.
Beaucoup de particuliers qui s’étaient lancés dans l’aventure ont vite déchanté: démarchage abusif, travaux bâclés, pratiques commerciales déloyales, malfaçons et on en passe, ces opérations “coup de pouce” ont été l’objet de nombreux signalements et dérives. En 2021, le DGCCRF étrillait sévèrement le dispositif: “Les dispositifs coup de pouce ont conduit à la mise en place de réseaux de fraude à grande échelle, qui abusent les consommateurs, notamment les plus fragiles, nuisent à la crédibilité des dispositifs gouvernementaux, à la bonne utilisation des deniers publics, mais aussi aux professionnels qui opèrent dans les règles de l’art.”
Le gouvernement a réagi, il a peu à peu coupé le robinet des aides. 2022 a marqué la fin des opérations coups de pouce “combles perdus”, tandis que pour d’autres travaux (isolation des sols, des murs et des toitures-terrasses), les montants ont sérieusement été révisés à la baisse. Stop aux mauvaises pratiques. Les textes se succèdent pour encadrer davantage ces chantiers, notamment en augmentant le nombre d’inspections sur site. Par exemple, depuis avril 2022, les chantiers d’installation de pompe à chaleur (air/eau ou eau/eau), de pompe à chaleur hybride ou de chaudière biomasse sont également contrôlés de façon aléatoire et par échantillonnage. Des ménages non contrôlés sur site sont aussi contactés (par téléphone, mail, ou courrier).
Les pouvoirs publics ont également revu à la baisse le taux maximal d’opérations “non satisfaisantes” au sein d’un même lot de demandes de CEE. Il est déjà passé à 30% en 2022, il passera à 25% en 2023, et ainsi de suite pour arriver à 10% en 2026. L’État ne devrait pas en rester là, les CEE sont sous haute surveillance, la rénovation est devenu un enjeu bien trop important, on ne se contente plus de la massification des travaux, on veut aussi qu’ils soient efficaces.
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