Pour une politique du logement et de la rénovation plus proche des territoires

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Le Conseil national de la refondation rendra sa copie mi-avril avec l’ambition de dessiner le logement de demain. Dans un contexte marqué par de fortes tensions sur le logement, la Fnaim émet de nombreuses suggestions. Son président, Loïc Cantin plaide pour une politique du logement qui soit davantage ancrée dans les territoires. La proposition n’est pas nouvelle, mais avec la rénovation énergétique, elle devient carrément indispensable.

La loi Climat et résilience prend-elle suffisamment en compte les territoires, selon vous ?

“Je pense que la loi Climat et résilience est d’abord un cadre général qui fixe des exigences en vue d’une décarbonation du parc immobilier sans distinction locale. Ses objectifs méritent donc d’être précisés pour prendre en compte la mosaïque de territoires qui existe en France. Aucune comparaison n’est possible entre le propriétaire d’un appartement de type haussmannien qu’il faut isoler par l’intérieur, le propriétaire d’un buron dans le cantal ou celui d’une maison à colombages en Alsace. La valeur vénale, l’architecture, le marché local n’ont rien de commun, et les enjeux de rénovation également.”

“L’État ne peut prétendre conduire la rénovation énergétique sous sa seule plume.”

Des dérogations sont cependant attendues en matière de rénovation énergétique…

« Effectivement, des dérogations sont annoncées, mais nous attendons encore les textes. J’espère que ces dérogations prendront la mesure des spécificités territoriales car l’État ne peut prétendre conduire la rénovation énergétique sous sa seule plume. Les élus locaux, les maires et les présidents des EPCI, connaissent mieux que quiconque leur territoire, il est normal qu’ils aient leur mot à dire, qu’ils aient une délégation de compétence, car tout ne se décide pas au niveau national. »

Dans son application, la loi Climat pose de sérieux problèmes pour les locations saisonnières, pour les copros ou pour l’immobilier de montagne pour ne citer que ces quelques exemples. Ces difficultés n’ont pas été anticipées ?

« Quand on regarde l’étude d’impact de la loi Climat, on voit bien que toutes ces difficultés n’ont pas été anticipées. On est sur une commande publique, mais on a un peu ignoré l’environnement économique. Alors effectivement, au fur et à mesure qu’on s’approche des échéances, que l’on entre dans la mise en œuvre, des problèmes surgissent. Et je pense que nous n’avons pas fini d’en découvrir encore. »

Concrètement, quels aménagements à la loi imaginez-vous?

“Nous devons tenir compte du tissu économique local. Dans des zones de montagne qui vivent quasi exclusivement de l’activité touristique et où le parc est essentiellement composé de meublés, nous ne pouvons pas appliquer la loi Climat et mener la politique de rénovation comme ailleurs alors que les propriétaires sont souvent exclus des dispositifs d’aides. La Fnaim propose d’ailleurs d’élargir MaPrimeRénov’ copro aux immeubles des zones touristiques. Nous devons redonner du pouvoir aux élus en matière de rénovation. Des outils existent déjà au niveau local tels que le permis de louer, nous pourrions envisager par exemple un permis d’exonération de rénovation. “

“Il faut aussi réfléchir pour prendre en considération les différences territoriales dans la politique d’aides.”

Encourager une politique du logement décentralisée, avec des observatoires territoriaux, n’est pas un sujet nouveau au sein de la Fnaim…

“En effet, nous portons auprès du Conseil national de la refondation, la création d’observatoires territoriaux des politiques publiques du logement. Cette instance réunirait toutes les parties prenantes d’un territoire: les entreprises, les élus, les citoyens… L’enjeu serait d’évaluer les politiques locales grâce à une analyse territoriale fine pour anticiper et agir au mieux.

L’intérêt de ces observatoires est illustré par la récente actualité. Dans le Pays Basque, le tribunal administratif vient de confirmer un arrêté qui interdit les locations saisonnières afin de lutter contre l’expansion des locations meublées touristiques et éviter la pénurie de locations classiques, préjudiciable pour la population locale. Cette mesure peut sembler aujourd’hui extrême, mais elle aurait pu être évitée si justement, nous avions eu un observatoire local analysant les problèmes de marché au fil des années.”

Dans vos propositions adressées au Conseil national de la refondation, vous soulevez également la question du coût de la rénovation selon les territoires…

“Effectivement. Quel que soit le territoire, le coût de la rénovation reste à peu près identique pour un logement. S’il reste acceptable pour un appartement haussmannien, il n’en est rien pour un propriétaire en zone rurale, comme dans la Creuse ou le Cantal où cette rénovation risque d’atteindre 60% de la valeur vénale ! On a une véritable discordance entre le coût des travaux et la valeur du bien. Comment mobiliser les propriétaires pour qu’ils rénovent leurs logements? La rénovation devient un véritable repoussoir pour les investisseurs locatifs en zone rurale.

Est-ce qu’on ne doit pas aussi aménager les aides pour tenir compte de cette réalité ? Selon moi, il faut aussi réfléchir pour prendre en considération les différences territoriales dans la politique d’aides. La Fnaim propose par exemple une bonification de MaPrimeRénov’, pour compenser la valeur plus faible du logement en zone rurale.”

Le calendrier de rénovation avec ses échéances 2025-2028, ne demande-t-il pas d’être affiné également selon les territoires?

“On ne cesse de demander au ministre d’aménager ce calendrier intenable. Parce qu’il s’accommode mal du temps de décision dans les copros, parce qu’il va créer un embouteillage auprès des entreprises RGE dont le nombre de ne cesse de diminuer au fil des années. C’est encore plus vrai sur certains territoires. Je pense encore une fois aux zones rurales qui comptent parfois un très grand nombre de passoires énergétiques mais très peu d’entreprises qualifiées.

L’État sera contraint de revoir ce calendrier car les objectifs apparaissent intenables et nous avons clairement un risque d’attrition et d’assèchement du parc locatif privé. L’investissement locatif attire de moins en moins et le signal envoyé aux bailleurs du parc privé crée de l’angoisse et de l’inquiétude. Il existe un effet ciseaux entre une rentabilité de plus en plus basse, et des taux immobiliers qui remontent, et je crains fort que l’on accentue encore les tensions.”

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