La sobriété sans modération (et jusqu’à l’overdose)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement n’économise pas ses efforts de communication. La sobriété faisait fuir, elle se conjugue désormais à toutes les sauces jusque dans le dress code gouvernemental. Doudoune ou col roulé, ça rivalise de sobriété. Le Dossier de presse servi par Matignon pour accompagner le prêche d’Elisabeth Borne sur le sujet offre un autre bel exemple de sobriété. Sortez les bières et les sandwichs, 50 pages à potasser.

Argh, on hésite un peu à l’imprimer, mais comme il y a écrit « Chaque geste compte » sur la couv’, on va s’abstenir. On ne sait jamais, on reste dans la sensibilisation et l’incitation à la sobriété, mais bon, on se dit que ça pourrait bien prendre le même chemin que la rénovation énergétique : d’abord on a sensibilisé, puis on a incité à coups de primes, et enfin, maintenant on commence à obliger. Du coup, même si Agnès Pannier-Runacher (ministre de la Transition écologique) a promis-juré-craché qu’il n’y aurait pas de police des températures, mieux vaut se convertir à cette sacro-sainte sobriété et tout de suite revêtir de bonnes habitudes.

50 pages donc. Bizarrement, la sobriété pousse à la prolixité : 62 fois le mot « sobriété » (on a compté), ce n’est plus un credo, c’est une vraie profession de foi. On vous la fait court, en gros, faut consommer moins, sinon on risque d’être privé d’énergie cet hiver et en plus, ce sera beaucoup mieux pour la planète. Et consommer moins, c’est d’abord baisser son chauffage à 19°C (voire même 18°C maintenant en cas de pic). Au passage, on soulignera que ça fait plus de trente ans que l’Ademe s’égosille pour promouvoir la juste température à la maison ou au bureau (19°C on le rappelle), qu’un degré en moins représente 7% d’économie sur sa facture, deux degrés en moins près de 15%, etc. Etc. 

Trucs de grand-mère

Et c’est quoi les autres bonnes recettes de la sobriété ? Retour au dossier de presse. Se chauffer moins (ok, on a compris), installer des thermostats chez soi, réduire sa consommation d’eau chaude, allumer les chauffages plus tard dans la saison, les éteindre plus tôt dans l’autre saison, ne pas couvrir ses radiateurs… Bref, je baisse, j’éteins, je décale, mais surtout, je chauffe moins. Ça peut sembler lourd, mais abaisser la température à 19°C (on le répète) dans tous les bâtiments représente quasiment autant d’économies d’énergie que tous les autres gisements du plan réunis.

Pour les transports, l’autre gros poste gourmand en énergie avec le bâtiment, on reste à peu près dans le même registre : favoriser les transports en commun, les circulations dites douces, le co-voiturage, privilégier le train à l’avion (surtout si vous avez l’habitude de voyager en jet privé)… Voilà pour les grandes lignes. Le Dossier de presse s’embarrasse de détails, éviter de circuler toute l’année avec son coffre de toit, rouler à 110 km/h au lieu de 130 km/h sur autoroute (ailleurs aussi, c’est mieux), ne pas forcer sur le champignon les premiers km parce que le moteur n’est pas chaud, surveiller la pression des pneus, etc. Bref, des économies de bouts de chandelle qui bout à bout sont censées rapporter gros si tout le monde joue le jeu.

La raillerie est facile. C’est juste qu’on a un peu le sentiment que cette ribambelle de mesures gouvernementales ressemble souvent à un catalogue de trucs de grand-mère guidés par le bon sens. Et dans un climat ô combien anxiogène où il ne se passe plus une journée sans qu’un risque de pénurie ne soit évoqué, on imagine que tout le monde a déjà levé le pied sur sa consommation. C’est pavlovien, on veut tous sauver un peu de notre précieux pouvoir d’achat. Du coup, avec cette débauche de communication sur la sobriété, on enfonce un peu des portes ouvertes, ou dit autrement, on gaspille beaucoup d’énergie pour rien.

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