Dans les décharges pour les particuliers, dans les centres de tri ou les lieux de collecte, l’amiante est aussi présent là où on ne l’attend pas forcément. Dans sa revue Hygiène et sécurité au travail de septembre, l’INRS alerte sur le risque d’exposition pour les travailleurs de la filière déchets, car “non repérés ou mal triés à la source, ces déchets peuvent contenir de l’amiante” . L’étude témoigne ainsi d’apports fortuits et d’expositions sur des sites pourtant non autorisés à accueillir de tels déchets dangereux.
Quarante-six millions de tonnes de déchets générées chaque année par le bâtiment, mais seulement 2% de déchets dangereux. En théorie, les filières sont bien identifiées pour optimiser la valorisation de ces déchets (le plus souvent inertes) dans le cadre de l’économie circulaire, mais gare aux erreurs d’aiguillage. La moitié du gisement des déchets amiantés serait non captée (soit plus de 300.000 tonnes par an) selon les chiffres du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) repris par l’INRS. Du coup, l’amiante échoue parfois là où il ne devrait pas être. “La présence fortuite de déchets amiantés dans les filières de recyclage de déchets du BTP peut conduire à l’inhalation de fibres d’amiante par les agents de la collecte, du traitement, et les utilisateurs des matières premières secondaires issues de ces déchets” , mettent en garde les auteurs de l’article. Le risque ne peut être pris à la légère, “en Île-de-France, sur les cinq dernières années, quatorze travailleurs du secteur de la gestion des déchets ont fait l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle liée à l’amiante ” .
67% d’échantillons positifs
Difficile de savoir quelles quantités d’amiante sont concernées. La Cramif et l’INRS se sont livrées à une campagne de mesurages sur 2018-2020 sur différents sites de la région parisienne : des déchetteries pour les particuliers, des centres de tri et de transit, des plateformes de distribution de matériaux disposant d’un lieu de collecte, des installations de stockage des déchets dangereux (ISDD), et des installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND). Au total, des prélèvements air et matériaux ont été effectués sur neuf sites, dont trois seulement autorisés à accueillir des déchets amiante.
Résultats, on trouve des échantillons matériaux positifs, y compris sur des sites où l’amiante est banni. Et pas qu’un peu, malheureusement. “De l’amiante a été trouvé dans dix des quinze échantillons de matériaux suspectés d’en contenir, prélevés sur les trois types d’installation non autorisés à accepter les déchets en contenant (67 % d’échantillons positifs au total).” Comment l’amiante a atterri là? Mystère. Mais l’INRS émet quelques hypothèses comme l’absence de repérage avant-travaux, la méconnaissance des entreprises ou des particuliers, des repérages incomplets…
Qu’il y ait des matériaux amiante ne signifie pas forcément un risque immédiat. Des prélèvements atmosphériques ont donc été aussi réalisés pour mesurer la concentration de fibres, à la fois dans l’ambiance de travail comme sur les opérateurs. 111 prélèvements au total pour les neuf sites franciliens. Et là aussi, l’étude révèle quelques anomalies. “La concentration en fibres d’amiante dans l’air ambiant la plus élevée (6,1 f/L) a été mesurée sur un site non autorisé à accepter des déchets d’amiante“, lors du déchargement des déchets dans une benne à gravats. Pour les prélèvements sur opérateurs, l’étude enregistre également deux dépassements de la VLEP (valeur limite d’exposition professionnelle), encore une fois, sur des sites censés ne pas accueillir de l’amiante. Logique, après tout, puisque le risque amiante est sans doute mieux pris en considération sur les installations accueillant des déchets dangereux: on a l’habitude de dire que les populations en contact avec l’amiante sont souvent les mieux protégées.
Moralité, “sur les sites non autorisés à recevoir les déchets d’amiante, les expositions des travailleurs aux poussières susceptibles de contenir ces fibres ne doivent pas être négligées“. Pour une meilleure prise en compte de ce risque amiante, l’INRS recommande différentes mesures comme l’installation de dispositifs de brumisation au niveau des bennes pour rabattre les poussières, ou une formation des personnels permettant d’identifier visuellement les matériaux suspects, et de connaître les consignes de gestion des situations accidentelles propres à chaque type de site. Mais la meilleure des préventions reste sans doute la généralisation du repérage avant-travaux, et un meilleur maillage des centres accueillant les déchets amiante.
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