Le DPE passé à nouveau au vitriol. Plutôt qu’un énième testing, cette fois le coup est porté par une étude de l’institut Sapiens, un think tank pluridisciplinaire. Selon ses auteurs, le diagnostic serait « une folie collective », ni plus, ni moins responsable de la prochaine crise du logement. L’étude (à charge ?) tire à boulets rouges sur le DPE, tout en reconnaissant combien le diagnostic est indispensable pour inciter les Français à rénover.
Tant que le diagnostic restait cantonné à un rôle d’information et de sensibilisation, personne (ou presque) ne trouvait à redire. Une estimation de la performance énergétique du bâti qui fournissait une information supplémentaire à la vente/location, rien de plus. D’ailleurs, dans la relation vendeur-acquéreur, le législateur ne lui donnait pas d’autre valeur. Le diagnostic était loin d’être parfait, mais au moins avait-il le mérite d’exister.
C’est quand le DPE a pris du galon et qu’on a voulu lui faire jouer un autre rôle, que les ennuis ont sérieusement commencé. « Pensé comme le nutri-score du logement, le DPE est devenu un véritable commissaire-priseur du marché immobilier », lâchent Romain Bories et Erwan Tison, les auteurs de l’étude. « Conférer au DPE une importance aussi démesurée, sans se poser la question de son efficacité, ne peut constituer une politique publique satisfaisante. Les défaillances liées au DPE sont nombreuses. »
La méthode de calcul qui favorise le gaz à l’électricité comme « la fragilité du diagnostic » qui varie « selon l’appréciation du diagnostiqueur », ou la formation des opérateurs jugée trop light, rien ne va décidément dans ce DPE. Malheureusement, les deux auteurs s’emmêlent les pinceaux dans leur démonstration et accumulent de nombreuses approximations et contre-vérités.
Non, le DPE n’a pas été créé par la loi Climat et résilience de 2021. Non l’algorithme n’est pas franchement secret comme l’affirme l’étude, puisqu’il a été publié au Journal Officiel en 2021, et oui, les émissions de gaz à effet de serre sont prises en considération dans la note finale attribuée au logement. Liste non exhaustive des approximations relevées.
Un manque de crédibilité, une forte notoriété
L’étude peut aisément être critiquée, elle montre cependant combien le diagnostic demeure mal connu au-delà de sa simple étiquette et encore entaché d’un manque de crédibilité, un peu plus de deux ans après l’avènement de l’opposabilité. Et c’est bien là que le bât blesse. « L’impact financier (voire sociétal si les logements sont retirés du marché) semble totalement disproportionné par rapport au coût de réalisation du DPE et de formation des professionnels du diagnostic. »
Est-ce que les pouvoirs publics n’ont pas mis la charrue avant les bœufs en conférant au DPE un rôle trop lourd pour lequel il n’avait pas été taillé à l’origine et pour lequel il n’avait pas été suffisamment préparé ? On enfonce une porte ouverte. La correction de la méthode quatre mois après son lancement, le renforcement de la formation et du contrôle des diagnostiqueurs (mise en service en juillet 2024), ou le coefficient de pondération pour les petites surfaces (pour 2025 ?) ne sont que des exemples des imperfections du diagnostic que le ministère tente aujourd’hui de réparer. Le DPE se soigne, pourquoi tirer sur l’ambulance? Le diagnostic est à l’évidence sur une dynamique vertueuse d’amélioration constante inspirée par les retours du terrain.
L’outil peut être accablé de tous les maux, mais il faut bien reconnaître qu’il a réussi à s’imposer auprès de tous, et à travers lui, à ancrer dans les esprits cette rénovation énergétique qui patinait depuis quinze ans. Les auteurs après avoir tiré à boulets rouge dessus au fil des pages, en conviennent. Finalement, ce DPE tellement critiquable, se révèle aussi tellement utile. Indispensable. « Parce qu’il dispose d’une importante notoriété, le DPE doit demeurer », assure l’étude. « Il n’est pas question ici de vouloir balayer d’un revers de la main cet outil, qui peut avoir une véritable utilité s’il est corrigé de ses dysfonctionnements. »
« DPE : sortir d’une folie collective », Institut Sapiens, novembre 2023.
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