De l’amiante dans les écoles. C’est ce qu’on appelle en jargon journalistique un « marronnier » ; comprendre un sujet qui fleurit à intervalles réguliers. Le reportage diffusé en début de semaine dans l’émission « Vert de rage » rappelle l’existence de ce risque sanitaire au sein des écoles, mais aussi le manque de transparence persistant. La réglementation, avec son DTA qui permet de tracer l’amiante dans le bâtiment est pourtant bien faite, mais malheureusement, elle reste mal appliquée.
Tout ce qui est sorti de terre avant 1997 doit avoir d’un Dossier technique amiante. C’est la loi. Et elle ne date pas d’hier : chaque bâtiment est censé disposer de son DTA depuis fin 2005, et tous les occupants peuvent légitimement demander sa communication. Ça c’est pour la théorie.
Car sur le terrain, les diagnostiqueurs le constatent au quotidien, des bâtiments n’ont toujours pas leur DTA, bientôt 20 ans après la date couperet. Combien ? Difficile à dire, il faudra se contenter d’une appréciation à la louche faute de statistique disponible. Un quart, peut-être un tiers de bâtiments sans DTA, on tourne généralement autour de ces estimations lorsqu’on interroge des diagnostiqueurs.
Des DTA rarement mis à jour
Et cela vaut pour les bâtiments privés comme pour le public. Pour les écoles bien sûr, comme le soulignent les journalistes de « Vert de Rage », comme pour d’autres bâtiments publics. Y compris ceux qui devraient être exemplaires puisqu’ils relèvent des ministères du Travail et de la Santé, les deux sources de l’abondante réglementation amiante des 25 dernières années. Une enquête menée en 2020 auprès de 246 bâtiments (dont 216 construits avant 1997) par l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) indiquait que les trois-quarts des bâtiments n’étaient toujours pas dans les clous : soit parce que le DTA était absent (22%), soit parce qu’il n’était pas mis à jour (51%).
Car avoir un DTA ne suffit pas, encore faut-il qu’il soit actualisé régulièrement. Contrairement à une idée reçue, le DTA est un « dossier » et non un « diagnostic ». La nuance a son importance. Pour jouer son rôle de manière efficace, ce DTA est censé s’étoffer au fil du temps et améliorer la connaissance amiante du bâtiment.
Aux repérages élémentaires -auxquels il est trop souvent réduit-, il doit donc être enrichi des évaluations des états de conservation pour s’assurer que les matériaux ne se détériorent pas avec le temps, des PV d’analyses de laboratoires, des mesures d’empoussièrement, des éventuels repérages avant-travaux réalisés… Bien fait, le DTA permet dans le temps de se forger une idée précise de l’amiante dans le bâtiment. Malheureusement, sur le terrain, ce type de DTA est loin, très loin, d’être monnaie courante. Lorsqu’il existe, le DTA se résume encore souvent aux repérages élémentaires, un point c’est tout.
Défaillances à tous les étages
La réglementation est bien faite, mais elle est mal appliquée. Et cela se vérifie à tous les étages. Le propriétaire d’un bâtiment ne le sait pas toujours, mais lorsque dans le cadre du DTA, le diagnostiqueur repère des matériaux dégradés avec un risque pour la santé, il est tenu d’alerter la préfecture. Avant la récente dématérialisation de la démarche, on lui demandait même de transmettre avec accusé de réception ou une remise en mains propres contre récépissé : c’est dire combien cette transmission n’a rien d’anodin. Mais là aussi, entre ce que dit la réglementation et la pratique, il existe un large fossé.
Tous les diagnostiqueurs communiquent-ils avec la préfecture? Très clairement, non. On reste loin du compte. Même depuis deux ans, avec la mise sur orbite de la base de données du ministère de la Santé, SI-Amiante, qui permet désormais d’effectuer cette déclaration de façon dématérialisée : un quart à peine des opérateurs certifiés avaient remis un rapport d’activité en 2023.
Il faut comprendre. Aux yeux des diagnostiqueurs, cette obligation est longtemps apparue désuète -pour ne pas dire une paperasse inutile. Pourquoi transmettre des rapports d’activité quand on est quasi assuré qu’ils vont finir aux oubliettes ? Dans cette réglementation (décidément bien faite), les préfectures ont pourtant un rôle à jouer : elles ont le pouvoir de s’assurer que les travaux de désamiantage ont bien été réalisés quand des matériaux présentent un risque sanitaire. Le préfet a aussi le pouvoir de faire réaliser les travaux de retrait ou d’encapsulage aux frais du propriétaire quand celui-ci manque à ses devoirs. Mais faute de moyens, ce pouvoir est resté discrétionnaire. Oui, la réglementation est décidément bien faite, mais elle reste encore très mal appliquée après toutes ces années.
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