La transition énergétique ne peut se résumer à des centimètres d’isolation ou à une pompe à chaleur aussi performante soit-elle. Pour réussir la rénovation, et en tirer le gain maximum, les comportements doivent aussi évoluer. Ingrid Vonié, fondatrice de Zoï, y travaille, intervenant auprès des collectivités, des entreprises, des bailleurs ou même des écoles, pour prêcher la verte parole et encourager la prise de conscience.
Une rénovation sans évolution des comportements vous semble-t-elle efficace ?
“J’ai travaillé durant 20 ans auprès de fournisseurs et distributeurs d’énergies, proposant des solutions globales aux collectivités, aux entreprises et aux bailleurs notamment pour la fourniture d’énergie et pour des travaux de rénovation. On peut réaliser plein de jolies choses, mener le plus beau des projets de la terre, si derrière l’usager ne modifie pas son comportement, il manquera toujours un morceau du puzzle. Sans ce volet comportemental, les économies sur la facture énergétique, les gains de consommation et la réduction de l’empreinte carbone ne seront pas à la hauteur des promesses.
Lorsque j’interrogeais des clients sur leur ressenti, après une opération de rénovation, une phrase me revenait souvent : « Ah maintenant, on a bien chaud ! ». Dans un immeuble rénové, les comportements évoluent, mais pas toujours dans le bon sens. Les usagers auront tendance à augmenter leur confort en réglant par exemple le thermostat sur 22°C quand ils se contentaient auparavant de 19°C. La plupart des gens n’a pas encore pris conscience des consommations qu’implique un seul degré de plus.”
Pour rendre la rénovation davantage efficiente, vous préconisez donc davantage de pédagogie…
“C’est indispensable. Aujourd’hui, la rénovation reste considérée uniquement sous ses aspects technique, réglementaire et financier. Quand on lit la loi Climat et résilience, on y voit des interdictions de location de passoires énergétiques avec un lourd impact sur les bailleurs. Le propriétaire contraint à la rénovation de son bien sous peine de ne plus pouvoir le louer, risque de le vivre comme une sanction. Cette rénovation n’est pas forcément bien expliquée.
Derrière tout projet, nous pourrions imaginer un volet pédagogie avec une rencontre des occupants. Plutôt qu’un discours moralisateur ou purement théorique, il me semble important de repartir de l’essentiel, d’expliquer pourquoi nous en sommes arrivés là et pourquoi demain un logement trop énergivore ne pourra plus être loué.”
Concrètement, quel message portez-vous lors de vos interventions ?
“Tout dépend du public. Par exemple, pour les enfants, je leur montre une maquette témoignant de l’évolution de la production d’énergie à travers les âges pour qu’ils se rendent compte où nous en sommes aujourd’hui. Avec des adultes, nous nous livrons à un exercice pour calculer l’empreinte de carbone de chacun. Nous voulons rester ludiques. Nous utilisons également des quizz avec des questions par exemple sur le nombre de litre d’eau pour fabriquer un jean. L’objectif est d’interpeller les participants pour éveiller une réflexion et encourager la prise de conscience.
Dans le logement, nous éveillons sur les écogestes. Prendre une douche plutôt qu’un bain, mieux trier ses déchets, ce sont souvent des gestes qui ne coûtent pas grand-chose, mais dont on n’imagine pas forcément les gains engendrés. Chacun entend parler des changements climatiques à venir, mais le lien avec notre quotidien n’est pas toujours lisible. Il suffit de l’expliquer. Lors des actions d’information et sensibilisation, nous nous apercevons combien le sujet soulève l’intérêt des participants.”
Dans sa nouvelle version, le DPE met aussi en avant les écogestes avec des recommandations d’usage…
“Qui lit ces consignes d’usage ? L’Ademe, les pouvoirs publics, communiquent déjà sur ces sujets, et sensibilisent aux écogestes. Mais pour que le message soit réellement efficace, il est nécessaire de s’adresser directement aux particuliers, aux entreprises, aux collectivités ou aux bailleurs.
Le réseau FAIRE, service public de la rénovation énergétique, dispose aussi de conseillers à travers le territoire. Je ne veux pas minimiser leur action, mais leur nombre reste insuffisant, et nous restons souvent sur de l’accompagnement technique et financier. Dit autrement, ces conseillers énergétiques expliquent comment faire une rénovation, mais pas pourquoi la faire ni comment vivre dans un logement rénové. Cette dimension pratique me semble pourtant essentielle.
On le voit dans les enquêtes, l’amélioration du confort et la réduction de la facture énergétique apparaissent généralement comme les premières motivations, la protection de l’écosystème et la réduction de l’empreinte carbone viennent ensuite. Justement parce qu’il manque ce discours pour expliquer la rénovation.”
La mobilisation sur le sujet vous paraît-elle suffisante aujourd’hui ?
“Clairement, non. Un des objectifs de Zoï est justement de fédérer, d’identifier des acteurs qui puissent être des relais dans les territoires pour rencontrer les différents publics et les sensibiliser sur le volet comportemental. Notre ambition est d’encourager une prise de conscience, d’amener les personnes à agir au quotidien, au bureau ou chez eux. Il n’y a que comme ça, en modifiant les comportements, que nous pouvons réussir la transition énergétique et réduire l’empreinte carbone.”
Quelques mots de Zoï… Zoï (“la vie” en grec ancien) est né en septembre 2021, fruit d’un projet mûri durant une dizaine d’années. Aujourd’hui, Ingrid Vonié intervient auprès des collectivités, des entreprises, des bailleurs sociaux, dans les écoles… Les ateliers sont adaptés à chacun des publics, selon différentes thématiques (déchets, mobilités, numérique…), mais toujours en conservant un aspect ludique et pratique, en se gardant de discours moralisateur.
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