L’information est de plus en plus riche, mais elle a encore du mal à passer. Bien sûr, il y a cet état des risques enrichi au fil des années, mais qui y prête vraiment attention ? La loi Climat et résilience porte cependant une petite révolution. En étoffant, encore, l’information acquéreur-locataire, ça ce n’est pas nouveau, mais aussi en bouleversant le timing pour rendre cette information davantage visible dès la petite annonce.
A l’heure de la data, on pourrait presque y voir un paradoxe. On trouve des cartographies partout et sur presque tout. Sur le radon, sur le risque argile, la pollution des sols, le risque inondation… Fort utiles, mais finalement peu utilisées. Paul Mengual, docteur en géographie, et co-fondateur de Preventimmo (groupe Septeo), leader de l’édition d’états des risques, confirme : « L’État dispose d’une donnée toujours plus abondante rendue publique notamment sur georisques.gouv.fr, mais personne ne le consulte. » Et il en va de même pour les précieux documents publics que sont le Dicrim ou le DDRM (*) « éléments essentiels dans la prévention du risque, mais il faut bien reconnaître que leur efficacité reste limitée puisque personne ne les lit. »
Nouveau timing pour l’état des risques
Dans une moindre mesure, le constat vaut aussi pour l’état des risques exigé à la vente/location. Pas sûr que le document soit toujours bien lu. Un rapport ministériel sorti en juin (**) déplorait d’ailleurs que cette information arrive si tardivement, au moment de signer le bail ou la promesse/acte de vente. Autrement dit, une fois que l’acquéreur ou le locataire a pris sa décision, une fois que le prix est négocié. Trop tard. Et si l’on veut que l’information passe bien, il faut donc la diffuser davantage en amont.
Comme pour le DPE, le législateur souhaite une information sur les risques dès la petite annonce. A la vente comme à la location. Oui, ça risque de surcharger cette petite annonce décidément de plus en plus réglementée au fil des années. On se rassure, la loi Climat et résilience (art. 236) se contente d’ « une mention précisant le moyen d’accéder aux informations ». En clair, les risques ne devraient pas être mentionnés noir sur blanc, mais on dira comment se renseigner. Et si l’acquéreur-locataire ne se donne pas la peine d’aller chercher l’info, qu’importe, l’état des risques devra être remis dès « la première visite de l’immeuble », toujours selon la loi. La mesure n’est pas encore effective, on attend un décret d’application à paraître, au plus tard, avant janvier 2023.
Mais on sent bien que l’Etat veut donner davantage de poids à cet état des risques. En cas de communication tardive, ou même d’absence de communication lors de la promesse de vente ou lors de la signature de l’acte, la loi précise que les délais de réflexion ou de rétractation courent « à compter du lendemain de la communication de ce document à l’acquéreur ».
L’état des risques s’adapte au changement climatique
A l’avenir, l’information acquéreur-locataire arrivera donc plus en amont, mais elle sera aussi plus complète. Après le radon, après la pollution des sols, le document est enrichi d’un nouveau risque avec le recul du trait de côte.
En clair, l’acquéreur doit savoir si en achetant le bien, il ne risque pas de finir les pieds dans l’eau dans 30 ans, ou même 50 ans. « En fait, cette information figure déjà dans les Plans de prévention des risques (PPR) littoraux, mais l’État souhaite la compléter et la mettre davantage en avant », explique Paul Mengual. Quelles communes seront concernées ? Patience. « La loi annonce un décret d’application au plus tard pour le 1er janvier 2023 pour préciser notamment la liste des communes pour lesquelles il faudra ajouter ce nouveau risque à l’ERP. Des risques sont connus mais nécessitent encore des études plus précises pour établir des cartographies. »
Peu commentée sur le volet risques, la loi Climat et résilience porte donc une double évolution, sur la forme et sur le fond. « C’est dans l’air du temps, estime Paul Mengual. L’information sur le trait de côte, peut sembler anecdotique, le document s’enrichira sans doute encore de nouveaux risques dans le futur. Cela peut même déborder l’ERP, car l’Ensa (État des nuisances sonores aériennes, ndlr) aussi risque de se voir enrichi d’autres types de nuisances. En revanche cette précocité avec une mention dès l’annonce montre une réelle volonté de donner toute sa place à ce document pour favoriser la culture du risque jugée insuffisante aujourd’hui. » Et c’est sans doute d’autant plus vrai dans un contexte où les aléas climatiques apparaissent de plus en plus fréquents et coûtent de plus en plus cher.
(*) Dicrim et DDRM : respectivement « Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs » et « Dossier Départemental sur les Risques Majeurs ».
(**) Ministère de la Transition écologique, « Mission sur la transparence, l’information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels », juin 2021.
L’arrêté préfectoral devient optionnel…
Les règles changent. Jusqu’à présent, la préfecture définissait par arrêté les zones du département soumises à l’état des risques et des pollutions (ERP). Depuis juillet, la mention de cet arrêté est devenue optionnelle (*).
Mine de rien, cette petite évolution complique drôlement l’élaboration du document. Explications de Paul Mengual : « En termes de mise à jour, il est donc nécessaire d’éplucher le recueil des actes administratifs et de vérifier qu’il n’y a pas de nouveauté. C’est une vraie recherche à effectuer qui sera difficilement automatisée. Quelqu’un qui voudrait faire un état des risques plusieurs mois ou années après la publication du dernier arrêté aura besoin de consulter l’ensemble des recueils sortis depuis le dernier arrêté IAL (Information acquéreur-locataire) pour vérifier qu’il a bien toutes les bonnes données. Sur une année, c’est souvent 12 à 24 recueils qui font chacun plusieurs dizaines voire centaines de pages, à éplucher c’est gigantesque. »
Autrement dit, même si L’État propose désormais l’Errial, une plate-forme permettant de connaître automatiquement les risques qui pèsent sur son logement, une recherche reste à effectuer sous peine de ne pas disposer d’un état des risques complet lors de la vente/location. Avec tous les risques majeurs juridiques que cela comporte. Car ce document, si anodin en apparence, peut casser une vente en cas d’erreur, d’oubli, même des années et des années après sa signature.
(*) Arrêté du 9 juin 2021 portant modification de l’arrêté du 13 octobre 2005 portant définition du modèle d’imprimé pour l’établissement de l’état des risques naturels et technologiques.
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