Bien sûr, la loi interdit progressivement la location de passoires énergétiques. Les G+ depuis janvier, on le rappelle, puis les G à partir de 2025, les F en 2028… Mais si toutes les lois étaient respectées, cela se saurait; tout particulièrement dans un parc privé où deux locations sur trois échappent au professionnel. À moins que de nouveaux mécanismes ne voient le jour, calqués sur l’encadrement des loyers…
On l’observe avec l’encadrement des loyers: entre la théorie et la pratique, il y un large fossé. Les enquêtes menées depuis plusieurs années montrent à chaque fois combien ces dispositions sont largement malmenées, entre méconnaissance du propriétaire et un risque de sanction très hypothétique.
Justement, ça change. Le pouvoir de sanction qui relevait exclusivement des préfets peut désormais être transféré aux communes avec la loi 3DS de début 2022. Paris s’en est emparé. Un arrêté préfectoral sorti fin décembre transmet le pouvoir de sanction à la ville qui a aussitôt lancé, à grands renforts de communication, sa plate-forme de signalement des loyers trop élevés. Démarche ultra-simplifiée pour le locataire.
La peur de la sanction
Résultats, à peine un mois après sa mise en service, la plate-forme a déjà reçu 142 signalements. À l’échelle d’une ville comme Paris, cela semble peu, mais en comparaison avec les 120 signalements qu’avait reçus la préfecture d’Ile-de-France en quatre ans, c’est juste énorme. La suite? Les premières lettres de mise en demeure partiront dès cette semaine, demandant aux propriétaires-bailleurs de régulariser la situation et de rembourser également les trop-perçus.
L’exemple de Paris devrait rapidement inspirer d’autres villes parmi les 23 (leur nombre ne cesse d’augmenter) à avoir adopté aujourd’hui des mesures d’encadrement. À Lille, où l’encadrement des loyers est entré en vigueur en 2020, la ville propose déjà une plate-forme pour permettre aux locataires de signaler un loyer hors-la-loi. La démarche est simplifiée, mais le pouvoir de sanction demeure encore aux mains du préfet pour le moment.
Ce qui vaut pour l’encadrement des loyers, pourrait aussi valoir demain pour le gel des loyers. Entré en vigueur depuis fin août, cette mesure s’applique à toutes les passoires énergétiques: si le DPE donne une étiquette F ou G, défense d’augmenter le loyer, même pas pour le revaloriser en fonction de l’IRL (Indice de référence des loyers). Comme pour l’encadrement des loyers, cette mesure prévue par la loi Climat et résilience est assortie de sanctions. Et comme pour l’encadrement des loyers, ces sanctions paraissent purement théoriques: en témoignent les 28 zones tendues où ce gel des loyers préexistait déjà, la mesure, méconnue, semble avoir été très peu suivie. Moralité, le dispositif d’encadrement des loyers pourrait bien inspirer les pouvoirs publics pour s’assurer que le gel des loyers des passoires thermiques est bien respecté.
Double punition
La sanction pourrait même être double pour les bailleurs -nombreux si l’on en croit les sondages- qui veulent continuer à louer malgré tout leur logement en F ou G. Car à une sanction qui n’aurait plus rien de théorique, ces propriétaires s’exposent au risque de se voir privés d’aides au logement. Cela faisait partie également de la loi Climat et résilience: les organismes chargés de verser l’Aide personnalisée au logement (APL) ont désormais accès à la base de données DPE. Facile donc de vérifier qu’un logement répond bien aux normes de décence énergétique, et peut être proposé à la location.
On n’y est pas encore. Renseignements pris auprès de la la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales), aucun dispositif n’existe aujourd’hui pour contrôler les DPE. Pour le moment… Car notre interlocutrice nous apprend que des travaux sont actuellement menés sur le sujet. De quoi compliquer peut-être la tâche des propriétaires qui souhaitent malgré tout continuer à louer une passoire énergétique. Car forcément, si le logement n’est pas dans les clous, s’il n’affiche pas la bonne étiquette, le robinet d’aides risque à l’avenir d’être coupé, APL, mais aussi ALF ou ALS (Allocations de logement familiale et sociale) puisque toutes ces précieux subsides sont conditionnés par la décence du logement. Entre une sanction qui n’aura plus rien de théorique et des aides au logements qui disparaîtront, l’étau pourrait bien se resserrer encore plus autour des bailleurs de passoires énergétiques.
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