Faisons comme s’il n’existait pas. En théorie, avant de scier, percer, gratter ou buriner, avant n’importe quels travaux -même anodins en apparence-, il faudrait s’assurer qu’il n’y ait pas d’amiante. Le ministère du Travail a accouché d’une abondante réglementation sur le sujet, mais celle-ci reste encore mal connue, et pas toujours bien appliquée.
Avant tout chantier dans un bâtiment sorti de terre avant 1997, date d’interdiction de l’amiante en France, prière de réaliser un repérage avant-travaux. En pratique, ce diagnostic essentiel à la prévention des risques passe souvent à la trappe. S’il est entré dans les mœurs de la maîtrise d’ouvrage publique, s’il est régulièrement pratiqué sur les gros chantiers, il a encore du mal à s’imposer chez le particulier où l’amiante reste négligé. Chaque année, on compte 25.000 chantiers de désamiantage en France, mais dans la réalité, bien plus seraient nécessaires. L’inspection du travail se montre toutefois de plus en plus vigilante comme en témoigne son dernier rapport d’activité.
Plus de 13.000 contrôles en 2021
L’amiante reste dans le collimateur des pouvoirs publics. Pour accompagner l’émergence de la réglementation amiante avant-travaux, dès 2019, l’inspection du travail s’était fixée pour objectif d’atteindre 20.000 contrôles par an. La Covid est passée par là, avec moins de 10.000 interventions (9.773 très exactement) en 2020.
L’ambition reste cependant intacte. L’amiante fait partie des priorités dessinées par le PNA (Plan national d’actions) pour la période 2020-2022. Selon le bilan 2021 dévoilé en novembre par la Direction générale du travail (DGT), 13.886 interventions ont été enregistrées sur le thème de l’amiante. 2022 s’inscrit dans la continuité avec déjà 6.740 contrôles pour le premier semestre. Objectif? S’assurer que le repérage avant-travaux a bien été réalisé, mais qu’il a aussi été effectué dans les clous, avec des rapports remis par les opérateurs de repérage conformes à ce que la réglementation attend d’eux.
Ce qui est loin d’être toujours le cas. Pour se faire une idée, sur une campagne de trois mois, avec 2.350 interventions comptabilisées, la Direction générale du travail évoque “600 lettres d’observations, quinze décisions d’arrêt de travaux, une demande de mesurage, une mise en demeure DREETS prononcée, 5 rapports de sanctions administratives transmis”.
Le particulier aussi en ligne de mire
Le particulier n’est pas épargné. Après tout, la réglementation ne fait aucune distinction, le particulier qui fait intervenir un artisan à son domicile reste un “donneur d’ordre” et doit aussi faire réaliser un repérage avant-travaux comme n’importe quel maître d’ouvrage. On est loin du compte, par méconnaissance et par négligence, les diagnostics amiante avant-travaux ne sont pas toujours effectués, et les artisans eux-mêmes semblent bien mal formés et informés. Une enquête menée dans les Pays-de-la Loire avait montré que chez les plombiers, chauffagiste et les électriciens plus de huit salariés sur dix n’étaient toujours pas formés au risque amiante.
Le bilan 2021 de la Direction générale du travail montre aussi que le particulier n’est pas à l’abri des sanctions. À titre d’exemple, elle évoque ainsi une sanction administrative “pour défaut de RAT (repérage avant-travaux) en Charente-Maritime”. Lors d’un contrôle de chantier, une inspectrice a constaté “la réalisation de travaux de démolition des parois intérieures d’une maison individuelle datant de la fin des années 60”. Amiante ? Pas amiante? Le donneur d’ordre n’avait malheureusement qu’un constat vente à fournir; insuffisant dans un contexte de travaux où la réglementation exige des investigations plus poussées qui ne soient pas uniquement visuelles. Le donneur a donc écopé d’une amende de 8.000 euros “pour manquement à son obligation de repérage”. Une façon de rappeler que chez le particulier, la réglementation amiante s’applique aussi.
Soyez le premier à commenter