L’incendie de Lubrizol à Rouen avait déjà mis un coup de projecteur sur ce risque. Un sinistre peut en cacher un autre, lorsqu’un bâtiment renfermant du fibrociment amiante est en feu, les fibres toxiques sont dégagées dans l’environnement. Dans le Loir-et-Cher, après l’incendie d’un atelier sur la parcelle voisine, un couple de propriétaires réclame une indemnisation pour la dépollution de son terrain.
En mai 2022, le tribunal judiciaire de Blois avait déjà condamné l’artisan à mener les opérations de décontamination et de remise en état du terrain. Désamiantage, dépollution, engazonnement et plantations, la facture est lourde, le coût des travaux a été estimé à 150.000 euros minimum. Avec l’obligation de les exécuter dans les deux mois, sous peine d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant une période de six mois.
Devant la cour d’appel, les voisins estiment que la présence de matériaux amiantés, « prohibés et dangereux », dans l’atelier incendié constitue une faute à l’origine de leur sinistre. La pollution de leur terrain les empêche de procéder à l’entretien de leur jardin et même d’aérer la chambre des enfants en « ouvrant les lucarnes qui se trouvent sur le toit, lequel est couvert d’amiante ». De son côté, le propriétaire du bâtiment sinistré nie toutefois toute responsabilité: l’incendie, involontaire, est resté circonscrit à sa parcelle, sans se propager chez le voisin, aucune faute ne peut donc lui être reprochée.
La cour d’appel reconnaît toutefois « l’existence d’un trouble manifestement illicite ». « C’est à juste titre que les intimés considèrent que la dispersion préjudiciable de particules amiantées sur leur terrain est la résultante de la présence de matériaux amiantés dans le bâtiment appartenant à M. X, et que le même incendie, sans présence de tels matériaux dans le bâtiment n’aurait provoqué aucun dommage au fonds voisin. »
Fautif d’avoir encore de l’amiante chez lui
Dans cette histoire, la pollution provoquée par l’incendie n’est pas contestée : « une large partie de la propriété se trouve recouverte de fragments et de particules de fibrociment amianté » relève la cour d’appel ; une pollution qui engendre « un risque grave pour la santé des occupants» en raison de la toxicité des fibres d’amiante. « La pollution provoquée par l’incendie de l’atelier de M. X était constitutif d’un dommage imminent en ce sens qu’elle expose (ses voisins), directement et quotidiennement, à un produit qui risque de façon certaine de provoquer à terme une maladie grave si les mesures qui s’imposent ne sont pas prises très rapidement. » Le dommage imminent trouve son origine dans « la conjonction de deux circonstances, l’une fautive de la part de M. X, à savoir la présence de tels matériaux, et l’autre non fautive de sa part, à savoir l’incendie ».
La cour d’appel d’Orléans confirme donc l’ordonnance rendue en première instance, le propriétaire et son assureur de l’atelier devront réparer « le préjudice écologique » subi par ses voisins. Ces derniers se voient donc alloués 8.000 euros de provision à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice. Cour d’appel d’Orléans, chambre des urgences, RG n° 22-01607.
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