Le diagnostiqueur en prend à nouveau pour son grade. Dans un article retentissant, Le Parisien dénonce une « fraude massive » avec des DPE de complaisance édités par des diagnostiqueurs, pour satisfaire des propriétaires qui veulent visiblement échapper à la rénovation. Les mauvaises pratiques sont tenaces, mais c’est aussi parce que les sanctions ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Changer la lettre du DPE et transformer une passoire en logement vertueux ? Un jeu d’enfant. N’importe quel diagnostiqueur peut le faire en un tour de main en modifiant les données d’entrée dans son logiciel. Il y a ceux qui acceptent, et ceux qui refusent parce que le diagnostic se doit d’être impartial, et parce qu’à ce petit jeu, ils savent, eux, qu’ils risquent très gros.
Les DPE de complaisance font partie de ces mauvaises pratiques qui gangrènent la profession depuis fort longtemps. Rien de nouveau, déjà en 2010 lorsque le DPE déterminait le montant de l’enveloppe du PTZ, la complaisance de certains diagnostiqueurs était dénoncée. Forcément, à l’époque, la mauvaise pratique faisait un peu moins de bruit: qui prêtait réellement attention au DPE en cas de vente et de location ? Ce temps est révolu, la loi Climat et résilience est passée par là, les enjeux ne sont plus du tout les mêmes.
Lutter contre les mauvaises pratiques, la filière s’y essaye pourtant. Début juin, la cour d’appel de Nîmes tranchait justement dans une affaire en référé opposant la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim,membre de l‘Alliance du Diagnostic Immobilier, contre un cabinet de diagnostic du sud. Motif ? La fédération reprochait à ce diagnostiqueur d’exercer avec des certifications non valides et d’entretenir des liens avec une agence immobilière. Deux pratiques formellement interdites : le diagnostiqueur se doit d’être indépendant et impartial, c’est écrit noir sur blanc dans les textes, il ne peut entretenir aucun lien qui puisse y porter atteinte. Et bien sûr, il doit disposer de toutes les certifications valides au moment de réaliser ces diagnostics, c’est la moindre des choses.
Certification non valide = une simple amende
Sur le papier, l’affaire peu courante -voire inédite- pouvait sembler jouée d’avance. La fédération invoquait un trouble manifestement illicite afin que le diagnostiqueur cesse aussitôt son activité, et une fraude puisque les informations transmises par l’organisme certificateur étaient erronées selon elle. En vain. Contre toute attente la fédération des diagnostiqueurs a été déboutée. Parce qu’elle n’est pas parvenue à justifier d’un « fondement textuel » pour appuyer sa demande de stopper l’activité du diagnostiqueur, parce que la Cour d’appel estime que l’absence de certifications valides ne permet pas d’ordonner une telle mesure.
« La seule sanction prévue au défaut d’habilitation d’un diagnostiqueur immobilier est une sanction pénale contraventionnelle, qui ne relève, dès lors pas des compétences des juridictions civiles », selon l’arrêt rendu le 6 juin. C’est tout. L’absence de certification ne vaudrait pas plus qu’une amende de cinquième classe, d’un montant de… 1.500 euros maximum, 3.000 euros en cas de récidive. Oui, l’amende apparaît moins chère encore qu’une certification de diagnostiqueur !
Extrait : « Le fait d’établir ou d’accepter d’établir un document devant être établi dans les conditions de l’article L.271-6 du (du CCH, nldr) et de ne pas respecter les conditions de compétences, d’organisation ou d’assurance… est puni d’une amende prévue pour les contraventions de 5ème classe, en application des dispositions de l’article R.271-4 d Code de la construction et de l’habitation. »
Cour d’appel de Nîmes, 6 juin 2024, n°23-03701.
Forcément, la sanction peut sembler un peu dérisoire. Et même incongrue à l’heure où les pouvoirs publics s’apprêtent à rehausser sérieusement, encore, le niveau de compétences de la profession. A compter du 1er juillet, un nouveau dispositif de certification entrera en vigueur pour les opérateurs réalisant le DPE avec plus de formation initiale, plus de formation continue, et aussi plus de contrôles. Plus de contrôles ? Oui, mais les organismes certificateurs veillent d’abord -pour ne pas dire exclusivement- à la compétence technique des opérateurs. Qu’ils suivent des formations continues, qu’ils sachent correctement réaliser les diagnostics pour lesquels ils sont certifiés.
Pourtant, avec les nouveaux enjeux qui pèsent sur le diagnostic, particulièrement le DPE ou l’audit, on peut se demander si c’est bien suffisant. Délivrer du DPE de complaisance comme le dénonce le Parisien, ou travailler avec des certifications périmées (voire sans certifications même) n’a rien à voir avec le savoir-faire ou la compétence : on touche ici à la probité du diagnostiqueur. Et ce n’est pas moins essentiel que la compétence pour un tiers de confiance qui se doit d’être indépendant et impartial.
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