Le bâti ancien a besoin d’un autre DPE

Maisons anciennes

La question traîne comme un caillou dans la chaussure du DPE. Le diagnostic est-il réellement adapté au bâti ancien ? Depuis plusieurs mois, la pression s’accentue tous azimuts pour revoir la copie du diagnostic afin de mieux considérer les qualités intrinsèques du bâti ancien. 

Le débat a un petit goût de déjà-vu. En 2011-2012, lorsqu’il avait fallu réformer le DPE, déjà, les deux méthodes DPE avaient été opposées. La méthode sur factures l’avait emporté sur la méthode conventionnelle, écartée des constructions d’avant 1948 et du collectif pour lesquels la performance énergétique devait s’estimer à partir des consommations des ménages occupants, avec tous les travers que cela suppose. Rétropédalage en règle, dans la réforme de 2021, le tout-conventionnel a pris sa revanche s’imposant comme la méthode unique quel que soit l’âge du bâti.

Le bâti ancien pénalisé par le DPE

Problème, ce nouveau DPE a tendance à coller une étiquette de passoire énergétique un peu trop facilement au bâti ancien. La preuve par les chiffres, selon l’Observatoire du DPE piloté par l’Ademe, sur les 850.000 logements diagnostiqués en France au premier trimestre 2023, 60% du bâti sorti de terre avant 1948 écope d’une étiquette E, F ou G. Autant de logements à rénover sous une dizaine d’années pour ceux qui sont en location. D’avis d’expert, l’explication est à rechercher dans des systèmes constructifs anciens particuliers avec des qualités thermiques et hygrométriques pas toujours bien restituées dans les savantissimes formules de la 3CL.

Croire que plus un bâtiment est ancien, plus il serait énergivore est cependant une erreur. Une maison construite avant 1948, même non rénovée, n’est pas forcément une passoire énergétique. « On le sait de longue date. Le projet Batan mené à l’orée des années 2010 sous la houlette de l’Ademe et du ministère du Logement a montré que ce parc ancien se révélait bien moins énergivore que les bâtiments de la période 1949-1974. Pour être juste, le classement moyen de ce parc ancien devrait correspondre à une étiquette D et une consommation énergétique de 200 kWhEp.m².an, comme l’a montré Batan », explique l’ex-ministre Martin Malvy, aujourd’hui président de Site & Cités Remarquables.

Refonte totale…

Au sein des acteurs du patrimoine, le constat apparaît largement partagé, mais pas forcément le remède et son dosage. Du côté du « G7 Patrimoine », collectif de sept associations, on préconise purement et simplement de repartir d’une copie blanche pour bâtir un DPE spécifique à l’ancien.

Dans un récent communiqué, les sept associations nationales reconnues d’utilité publique lancent « un cri d’alarme ». Le DPE et l’actuelle politique de rénovation dessinée par la loi Climat et résilience, laisseraient entrevoir un scénario catastrophe. « Le bâti traditionnel est gravement menacé par la politique de rénovation énergétique indifférenciée dont l’effet destructeur, immédiat ou à long terme, se manifestera dans le pourrissement des pierres tendres, la dissolution des mortiers, la prolifération des champignons dans les bois », expliquent ces associations.

La solution est radicale, ce G7 patrimoine réclame « un moratoire immédiat à l’application du DPE actuel pour mettre en place un DPE “bâti ancien” ». « Pour que les travaux d’aujourd’hui ne soient pas les problèmes de demain, nous réitérons notre demande d’une suspension du calendrier d’application de la loi Climat et Résilience aux immeubles d’avant 1948. Ce moratoire prendra fin lorsque le nouveau DPE « bâti ancien », spécifiquement conçu pour ce patrimoine, aura été mis en place par les ministères de la Transition écologique et de la Culture, accompagné d’un régime de travaux, propre au bâti traditionnel.» Chassez la méthode sur factures par la porte, elle revient par la fenêtre. « Dans l’attente, la méthode sur facture”() pourrait être rétablie concernant le bâti ancien. »

Chez les diagnostiqueurs, la méthode sur factures a toutefois laissé un goût amer, et on sait combien elle a généré de l’incompréhension. Une maison ancienne occupée deux mois de l’année à la belle saison pouvait jouir d’un classement généreux, quand la même maison occupée toute l’année écopait d’une étiquette peu flatteuse. Pas très fiable donc, et surtout frustrant car sans factures (ce qui arrivait très souvent), le client n’obtenait aucune étiquette.

… ou simples aménagements ?

Dans un courrier adressé à plusieurs ministres, la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim et Site & Cités Remarquables, l’Association des Villes et Pays d’art et d’histoire et des Sites patrimoniaux, plaident une solution plus douce. Oui, « des aménagements au DPE » restent possibles pour restituer plus fidèlement les qualités intrinsèques du bâti traditionnel. La CDI Fnaim fournit d’ailleurs quelques pistes : meilleure prise en compte des espaces tampon, de la réalité des ponts thermiques, du confort d’été et meilleure prise en compte des isolants biosourcés et géosourcés comme le torchis des murs ou les toitures de chaume, les enduits isolants…

Ce travail permettra à la fois d’apporter de la crédibilité au diagnostic, et au calendrier voulu par Climat et résilience souvent jugé intenable par les professionnels de l’immobilier. « Affiner le DPE en l’adaptant à la construction ancienne, permettra de sortir des biens injustement classés comme passoires et d’identifier ainsi les biens réellement énergivores. Autrement dit de savoir où concentrer les efforts pour réussir la transition énergétique du bâti et d’éviter en même temps une montée en puissance de la contestation des propriétaires concernés », expriment les deux organisations.

Côté ministère, un retour au DPE sur factures, même provisoire, ne semble pas d’actualité. Tout comme une refonte globale suggérée par le G7 Patrimoine. Entendu la semaine passée dans le cadre de la commission d’enquête au Sénat sur l’efficacité des politiques de rénovation énergétique, le ministre chargé du Logement, Olivier Klein réaffirmait son attachement à l’actuel DPE. Pas de raison d’y toucher. « Le DPE est déjà adapté aux bâtiments anciens, mais nous essayons d’améliorer ses critères pour que la MaPrimeRénov’ prenne en compte les surcoûts éventuels de la rénovation ». Le ministre évoque ainsi un travail mené avec le ministère de la Culture et les Architectes des Bâtiments de France. De quoi laisser la porte entrouverte à quelques aménagements.