Rénovation : la commission d’enquête au Sénat veut aussi une réforme du DPE

DPE

Six mois de travaux, 174 auditions, 21 séances, 1.100 pages de rapport. La commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques de rénovation, a mené un travail colossal. Le rapport sera rendu public aujourd’hui, mais on sait déjà qu’il recommande de sérieux aménagements, en particulier pour le DPE.

Deux ans après sa mise sur orbite, l’outil n’est pas encore totalement fiable, quoiqu’en dise le ministre du Logement. En six mois, les membres de la commission d’enquête ont entendu beaucoup de critiques à l’égard du DPE. « Il apparaît assez clairement que le diagnostic de performance énergétique, rendu opposable, est devenu l’instrument central de la politique de rénovation avant même d’être réellement fiabilisé », selon Guillaume Gontard, rapporteur lors de l’examen du rapport la semaine passée. « Il est encore usuel qu’un même logement reçoive une note différente selon le diagnostiqueur. Le bâtiment est malade, mais le thermomètre qu’est le DPE donne une température différente selon le médecin, comme cela a été souligné lors des auditions. »

Cela vaut pour les copropriétés « où dans un même immeuble, chaque appartement peut avoir un DPE différent », risquant de compromette les travaux de rénovation pour 2025/2028 puisque tous les copropriétaires n’ont ni le même intérêt ni la même urgence à effectuer ces travaux. Cela vaut aussi pour le bâti ancien, où plus d’un tiers des logements sont classés en F et G « alors qu’ils sont souvent les plus durables, faits en matériaux locaux et les plus agréables à habiter l’été ». « Incompréhensible », juge Guillaume Gontard. La faute à un manque de pilotage interministériel qui, durant longtemps, a exclu le ministère de la Culture de la politique de rénovation.

Adapter le DPE au bâti ancien

Ce n’est pas vraiment une surprise. La méthode de calcul du diagnostic a souvent été attaquée au cours des derniers mois justement parce qu’elle pénalisait les petites surfaces et le bâti d’avant 1948. Dans la vingtaine de propositions formulées par la commission d’enquête, le DPE se trouve donc dans le collimateur. Les sénateurs veulent « redonner confiance dans les outils de la politique de rénovation ».

« Il faut faire du DPE un outil incontestable. Cela passe par la formation et la professionnalisation des diagnostiqueurs au travers, notamment, de la délivrance, accompagnée de contrôles, d’une carte professionnelle. » Cela passe aussi par une nouvelle réforme du DPE « pour prendre en compte le bâti ancien, corriger les biais en défaveur des petites surfaces et intégrer le confort d’été à la note ».

En attendant, les acteurs du patrimoine ont été étendus. Pour le bâti ancien, et « pour une période maximale de deux ans, c’est-à-dire d’ici à 2025 », les sénateurs souhaitent un retour à l’ancien DPE sur factures pourtant fortement décrié par le passé. Obligatoire à la vente comme à la location, les sénateurs envisagent aussi « que le DPE devienne obligatoire pour toute demande d’aide à la rénovation et pour enclencher un parcours ». « Le DPE doit entraîner la création du carnet d’information du logement, qui est obligatoire depuis cette année. »

Le renforcement des outils existants n’est pas la seule amélioration suggérée par la commission. Les sénateurs plaident d’abord une stabilisation du dispositif. De grâce, arrêtons de modifier sans cesse les objectifs, la stratégie, les aides, et le dispositif de rénovation. « Les grands objectifs de la politique de rénovation ont déjà été fixés, à commencer par celui de la neutralité carbone en 2050. Il n’y a pas lieu de chercher à les modifier, voire à les accélérer, ce qui ne serait guère réaliste. » La décarbonation qui pousse au tout-électrique ne doit pas non plus être la seule ambition de même que la rénovation efficace doit être privilégiée.

MaPrimeRénov’ portée à 4,5 milliards d’euros

Pour massifier cette rénovation globale appelée des vœux de tous et éviter l’écueil d’un reste à charge encore trop lourd à supporter, les sénateurs proposent d’y mettre les moyens. Le dispositif existant doit être musclé davantage : des crédits de MaPrimeRénov’ portés à 4,5 milliards d’euros dès 2024, des aides à la rénovation globale triplées pour les ménages les plus modestes, le déploiement de l’éco-PTZ ou de prêt avance rénovation pour le reste à charge… Et pour les copros, il est également envisagé de rendre opposable le DPE à l’immeuble, pour créer une convergence d’intérêts à rénover au sein de la même copro.

Enfin, pour permettre ce chantier de rénovation, la commission effectue quelques recommandations pour accompagner le bâtiment. « Il y a tout d’abord un énorme enjeu de formation, puisqu’on estime à 200.000 le nombre de professionnels qui doivent être formés, de l’ouvrier à l’architecte. » Cette formation apparaît cruciale pour l’usage des matériaux biosourcés, pour les nouveaux équipements, mais aussi pour réapprendre les techniques d’autrefois pour créer une filière de rénovation du bâti ancien.

L’approche est sans doute pragmatique, on y retrouve souvent des doléances de organisations professionnelles auditionnées au cours du premier semestre. Dominique Estrosi-Sassone, présidente de la commission de l’enquête, le reconnaît volontiers : « notre commission a opté pour des propositions pragmatiques, à rebours d’une vision maximaliste, en demeurant ancrée dans les territoires et à l’écoute des professionnels ». Il faut désormais que cette commission d’enquête soit à son tour écoutée.

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