Comment le DPE est aussi devenu un enjeu dans les crédits immobiliers

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Les banques se montrent désormais très sensibles au diagnostic de performance énergétique. Une mauvaise étiquette peut bloquer un projet immobilier, parce que l’acquéreur n’aura pas forcément les moyens de mener les travaux de rénovation pour mettre une passoire à niveau, mais aussi parce que le prêt apparaîtra beaucoup plus risqué dans un contexte de flambée des couts de l’énergie.

En Belgique, les crédits immobiliers peuvent désormais être suspendus pour permettre aux ménages de s’acquitter de leurs factures d’énergie. Les intérêts continuent à être remboursés, mais pas le capital. La mesure à peine entrée en vigueur en octobre, plusieurs milliers de familles avaient déjà sollicité une pause d’une année dans leur échéancier.

Merci le bouclier énergétique. Car malgré des tensions déjà existantes dans le logement collectif où les charges ont parfois explosé, la France peut sembler épargnée. Pour le moment… Du coup, ce DPE qui avait auparavant si peu d’incidence sur les ventes ou les locations, devient essentiel.

L’éco-conditionnalité gagne du terrain

Le DPE bouscule un peu le monde bancaire. Depuis que le diagnostic a été fiabilisé en 2021, la presse s’est déjà faite l’écho du refus de certaines banques de prêter parce que le logement convoité se révélait être une véritable passoire. Selon un sondage révélé en février par le site Vousfinancer, 60% des courtiers estimaient que les banques se montraient plus regardantes sur la performance énergétique du bien, sa vétusté (isolation, chauffage…) et le montant des travaux potentiels.

L’éco-conditionnalité n’est pas vraiment nouvelle. Dès les années 2010, le PTZ (prêt à taux zéro) l’avait expérimentée: plus l’étiquette DPE était mauvaise, plus l’enveloppe du prêt aidé diminuait. Depuis, le PTZ a été revu et corrigé à plusieurs reprises, mais dans sa nouvelle formule entrée en service en 2020, on retrouve à nouveau une petite dose d’éco-conditionnalité: pour en bénéficier, le bien doit afficher une classe E minimum, si le logement est en F ou G, le propriétaire devra réaliser une simulation de travaux à l’aide d’un DPE projeté pour parvenir à une étiquette plus acceptable.

Un mauvais DPE peut donc contrarier un projet immobilier, mais il représente aussi une menace pour les prêts déjà conclus, parfois depuis plusieurs années. Le mouvement Unlock qui regroupe une dizaine d’associations (comme NégaWatt, la fondation Abbé Pierre, l’intiative Rénovons, The Shift Project…) tire la sonnette d’alarme dans un courrier interpellant fin septembre le gouverneur de la Banque de France. La solvabilité des ménages habitant des logements mal isolés est affectée, et représente “une source une source de risque financier pour le système bancaire”.

Un mauvais DPE synonyme de risque

Le raisonnement est le même qu’en Belgique. Avec la flambée des coûts énergétiques, des foyers ne pourront payer à la fois leurs factures et rembourser leur prêt. “Les ménages sont confrontés à des contraintes budgétaires croissantes qui peuvent affecter leur capacité à faire face à leurs obligations de remboursements de crédits immobiliers, entraînant des retards de paiement, voire des situations de défaut, craint le mouvement Unlock. Pour les banques, ces risques pourraient constituer une source importante de prêts non performants dans leurs portefeuilles.”

S’appuyant sur une étude de la Banque centrale européenne publiée en juillet 2022, le collectif d’associations estime que “les risques de crédit associés aux propriétés à faible performances énergétiques sont trois fois plus élevés par rapport aux habitations à haute performance énergétique”. Le DPE devient donc aussi essentiel pour estimer ce risque. Malheureusement, jusqu’à une date encore récente, on ne prêtait que peu d’attention au diagnostic. Unlock craint donc que les risques de crédit soient sous-estimés, puisque “seules 35% des banques ayant participé au test de résistance climatique de la BCE ont pu utiliser les données des diagnostics de performance énergétique”.

Pour éviter ce scénario catastrophe, une seule solution, accélérer la rénovation. Le monde bancaire a déjà développé des prêts verts pour combler le reste à charge non couvert par les aides, des mesures d’accompagnement voient également le jour, mais pour Unlock il faudra aller plus loin afin d’“aider leurs clients à payer les rénovations profondes de leurs logements”.

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