DPE : une erreur dans le diagnostic ne mérite pas forcément réparation

Le diagnostiqueur peut sonder les murs pour savoir ce qui se cache derrière, mais mieux vaut se garder de toute extrapolation. Dans une maison à l’isolation non uniforme, l’opérateur a commis une erreur en tirant des conclusions hâtives et en ne poussant pas un peu plus loin ses investigations. Une petite erreur qui ne prête toutefois pas à conséquence car le DPE reste une estimation de la performance énergétique, on a parfois tendance à l’oublier.  

Le diagnostiqueur ne peut pas deviner l’épaisseur ou la nature de l’isolant derrière un mur. Lors de son DPE réalisé en prélude à une vente en 2013, l’opérateur a pris soin de démonter des prises pour affiner son diagnostic. Dans son rapport, il évoque les murs donnant sur l’extérieur sur une surface de 166,86 m² avec une épaisseur de 55 cm et une isolation intérieure de 7 cm. Le logement est sorti avec une classe B pour les consommations énergétiques.

Les acquéreurs soupçonnent pourtant une erreur dans le diagnostic. La machine judiciaire se met en branle. D’après l’expertise, l’isolation intérieure n’est pas uniforme dans le logement, un WC et un bureau situés en façade nord apparaissent dépourvus de tout isolant. Le diagnostiqueur n’a pas sondé tous les murs, il a démonté les prises électriques uniquement en deux points avant d’extrapoler à l’ensemble des murs de la maison qui étaient du même type.

Un sondage sur chaque mur, minimum

Même si « le DPE n’a pas pour objet l’expertise technique des éléments constitutifs de l’immeuble, et notamment un état précis de son dispositif d’isolation thermique », le diagnostiqueur aurait dû pousser ses investigations un peu plus loin.

La cour d’appel de Rennes estime que l’opérateur devait « à tout le moins, effectuer un point de contrôle sur chaque mur composant le bâtiment ». « S’il l’avait fait, il aurait constaté que la façade nord de la maison, celle qui a le plus intérêt à être isolée, n’était pas doublée du matériau isolant censé assurer la performance énergétique retenue. »

Le diagnostiqueur a donc bel et bien commis une faute. « En extrapolant la présence sur la totalité des murs de la maison de l’isolant thermique d’une épaisseur de 7 cm qu’il n’avait constaté que sur certains murs seulement, (le diagnostiqueur) a failli dans sa mission de recherche des données pertinentes qui lui permettaient de renseigner au mieux son logiciel afin de parvenir à une estimation la plus fiable possible de la performance énergétique du bien », poursuit la cour d’appel.

Mais cette erreur est-elle réellement à l’origine du préjudice invoqué par les acquéreurs ? Entre les travaux d’isolation à proprement parler, les travaux induits, le préjudice de jouissance, et les frais divers, ceux-ci réclament près de 30.000 euros.

Le DPE, « une simple estimation »

L’expert en convient lui-même, « la présence ou non de l’isolant thermique n’a pas forcément d’incidence sur le classement du bâtiment vendu compte tenu de l’épaisseur des murs ». Seules deux pièces, un WC et un bureau sont concernées: la superficie dépourvue d’isolation apparaît en effet « tout à fait résiduelle ». Même si ces murs non isolés avaient été correctement caractérisés, il n’est pas sûr que le classement aurait été modifié « compte tenu de l’épaisseur des murs ».

La cour d’appel de Rennes rappelle par ailleurs les limites du DPE. « La mission (du diagnostiqueur) n’était pas d’établir un diagnostic technique de la construction mais seulement de relever les données pertinentes de nature à effectuer une estimation la plus fiable possible de la consommation énergétique du bien. S’agissant d’une simple estimation, la détermination de la consommation énergétique ne peut se faire sans une part d’aléa. »

Moralité, « la faute du diagnostiqueur ne peut être utilement invoquée que si elle a eu pour conséquence de donner aux futurs acquéreurs une information totalement erronée sur la performance énergétique du bien qu’ils envisageaient d’acquérir ». Et puisque ce n’est pas le cas, les acquéreurs sont donc déboutés de leurs demandes.

Cour d’appel de Rennes, 11 juin 2024, n° 21/04975.

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