Le DPE passe d’une étiquette G à D : les vendeurs, le diagnostiqueur et l’agent immobilier condamnés

Mon étiquette énergétique ne me satisfait pas ? Qu’importe, je vais trouver un diagnostiqueur plus arrangeant. Mauvaise idée. Car le vendeur a un devoir de loyauté envers l’acquéreur comme le rappelle un récent arrêt de la cour d’appel de Rouen. Pour un DPE jugé trop complaisant, le diagnostiqueur, les vendeurs et l’agence immobilière sont condamnés à payer la rénovation du logement.

A vendre, immeuble à usage d’habitation en Normandie, avec une classe énergétique en G. Euh non, en D finalement. Lors de la vente en 2014, les propriétaires ont d’abord sollicité un premier cabinet pour réaliser l’ensemble des diagnostics. Verdict, leur immeuble se trouvait classé en G. Une étiquette peu flatteuse qui déjà à l’époque risquait d’engendrer une moins-value.

Qu’à cela ne tienne, l’agence immobilière suggère aux vendeurs de faire appel à un deuxième diagnostiqueur. Bonne pioche, cette fois, l’immeuble sort avec une étiquette énergétique en D. C’est beaucoup mieux. Prix de vente, 172.000 euros et 5.000 euros de commission pour l’agent immobilier. Tout le monde est content, ou presque.

Un DPE trop complaisant

Car les acquéreurs ne sont pas stupides. Ils vont vite se rendre compte que la performance énergétique réelle de l’immeuble ne colle pas vraiment avec qu’on leur a vendu. Le couple de vendeurs « a volontairement dissimulé l’existence du diagnostic réalisé » au préalable. La machine judiciaire se met en branle.

Face à la justice, tout le monde se renvoie la balle. Les vendeurs, profanes, se réfugient derrière le professionnel qui leur a remis un diag avec une étiquette D. L’agent immobilier, lui, a simplement suggéré à ses clients de réaliser un autre diagnostic. Rien de plus, ce n’est pas lui qui a commandé le diag. Quant au diagnostiqueur, il se défend d’avoir réalisé un diagnostic de complaisance, les vendeurs lui ont caché certaines informations, notamment la composition du foyer qui avait pourtant évolué.  

Ce dernier a toutefois commis une erreur de taille en optant pour le modèle 6.2 du DPE plutôt que le modèle 6.1; en clair, une méthode sur factures plutôt que la méthode conventionnelle. Et ça change tout. « L’erreur commise dans l’utilisation de la méthode de calcul a conduit à une évaluation de la performance énergétique plus favorable influençant les conditions de l’achat de l’immeuble », relève la cour d’appel. Ce n’est pas le seul manquement. La cour d’appel relève aussi l’absence de numéro d’Ademe ou de numéro de police d’assurance –« malheureux concours de circonstances de dysfonctionnement informatique » selon le diagnostiqueur- et « une description sommaire des lieux ». Bref, un DPE bien trop complaisant.

Les vendeurs ont un devoir de loyauté

La faute est toutefois partagée. Les vendeurs ne peuvent se réfugier derrière le diagnostiqueur alors qu’ils avaient fait réaliser deux mois auparavant un premier DPE « fixant la catégorie de l’immeuble en classe G soit la plus mauvaise avec un niveau de consommation sur factures produites par l’acquéreur de 533 kWh/m² par an ». Un classement un tantinet sévère, puisque l’expert judiciaire aboutit plutôt à une étiquette F. Ce qui reste néanmoins très loin du D vendu.

On a beau être profane, un tel écart dans les classes énergétiques devait interpeller les vendeurs. « Ils leur revenaient de s’inquiéter des informations différentes produites et le cas échéant de les soumettre aux acquéreurs. L’obligation d’annexer un seul diagnostic dans l’acte de vente ne dispense pas les vendeurs de celle de la loyauté », poursuit l’arrêt de la cour d’appel.

Les vendeurs se sont pourtant bien gardés d’en informer les acquéreurs alors qu’ils connaissaient fort bien le logement et sa piètre performance énergétique. « La défaillance énergétique majeure du bien, vice préalable à la vente, était grave et cachée aux acquéreurs, en raison de la production d’un document émis par le diagnostiqueur plus favorable. »

La cour d’appel retient également la responsabilité de l’agence immobilière. Avant même que le second diagnostic ait été réalisé, l’annonce immobilière mentionnait déjà une classe énergétique en D ! Troublant. Pour la justice, l’agence immobilière « savait qu’un diagnostic préalable classait le bien en G puisque c’est dans ce contexte qu’elle a suggéré le nom de plusieurs professionnels (…) et qu’un classement en catégorie D n’était pas possible ».

Après tout, même sans être diagnostiqueur, l’agent immobilier a souvent une petite idée du classement d’un bien. « Sa connaissance des qualités des biens immobiliers, de leur évaluation, si elle ne la rendait pas apte à évaluer la catégorie énergétique d’une maison, lui permettait d’être interpelée par des classements aussi éloignés et lui imposait d’attirer l’attention des propriétaires pour prévenir tout contentieux avec les acquéreurs, des erreurs sur la nature du bien et son prix. »

61.000 euros de travaux

Moralité, les vendeurs, l’agent immobilier et le diagnostiqueur ont chacun contribué à la réalisation du dommage subi. « Bien que profanes, les vendeurs connaissaient l’immeuble et ses failles, l’absence de travaux entre les diagnostics et les conséquences de leurs omissions sur les conditions d’occupation de la maison. Les professionnels, le diagnostiqueur au premier rang mais également l’agence immobilière qui savait que les propriétaires bénéficiaient de diagnostics divergents avaient l’obligation pour le premier de respecter les dispositions légales et réglementaires, la seconde d’éclairer les propriétaires sur les enjeux relatifs à ces diagnostics. »

En première instance, tous trois avaient été condamnés à verser 25.000 euros au titre de la perte de chance : si les acquéreurs avaient eu connaissance de la performance réelle du bien, ils auraient sans doute obtenu un prix moindre. Effectivement, selon la jurisprudence, un DPE antérieur à 2021, date d’entrée en vigueur de son opposabilité, ne peut donner droit à autre chose qu’une réparation au titre de la perte de chance.

Mais dans le cas présent, le diagnostic erroné a été sciemment caché aux acquéreurs. « Le préjudice directement lié à la production d’un diagnostic erroné, en connaissance de cause, correspond au coût des travaux utiles à la mise à niveau énergétique de l’immeuble », estime la cour d’appel de Rouen.

Le montant de la condamnation est donc revu à la hausse. Le diagnostiqueur, l’agence immobilière et les vendeurs devront verser 61.000 euros à titre de dommages et intérêts « correspondant au coût des travaux utiles, dans la limite de 20.640 euros pour le diagnostiqueur et son assureur et de 13.760 euros pour l’agence immobilière ». Ils devront également payer aux acquéreurs plus de 10.000 euros au titre du préjudice financier et 9.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Cour d’appel de Rouen, 28 août 2024, n° 23/01268.

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