Comment se porte le diagnostic immobilier après bientôt deux années de crise sanitaire ? Plutôt bien à en croire les experts de Xerfi Precepta. L’effet nouveau DPE et la loi Climat devraient jouer à plein. Leur dernière étude(*) et leur scénario pour les deux années à venir prédisent un joli 5% de croissance en 2022 et 5% de plus en 2023. Des estimations, bien sûr, mais qui illustrent la tendance. Décryptage avec Vincent Desruelles, auteur de cette nouvelle étude.
5% de croissance en 2022, autant en 2023, sur quoi fondez-vous votre prévision?
Vincent Desruelles : “D’abord sur la bonne santé de l’immobilier. Nous ne voulons pas nous projeter trop loin, mais d’ici à 2023, nous ne croyons pas en un retournement du marché. Après le rush du début d’année, nous nous attendons désormais à une accalmie, voire à une légère baisse, mais toujours avec un volume de transactions dans l’ancien et un taux de rotation du parc à des niveaux très élevés, largement au-dessus du million. Les conditions de financement avec des taux toujours extrêmement favorables, la bonne santé du marché de l’emploi et l’appétence pour un bien avec de nouveaux critères de recherche devraient soutenir ce marché, même si nous pouvons craindre en certains secteurs géographiques, un tarissement de l’offre.”
Et sur le marché de la location ?
V. D. : “Le marché locatif reste fortement corrélé à l’emploi. Si l’emploi résiste et progresse, la mobilité locative s’en trouve naturellement favorisée. Pour les deux ans à venir, avec une croissance économique forte, nous privilégions également une hausse de la demande des diagnostics locatifs. D’autant qu’avec la réforme du DPE, beaucoup de diagnostics seront à refaire.”
Nouvel écosystème
Justement, dans votre étude, vous évoquez ce nouveau DPE comme un moteur de croissance…
V. D. : “Ce nouveau DPE, malgré quelques ratés au démarrage, place le diagnostiqueur au cœur du dispositif de rénovation énergétique. Dans les conclusions de l’étude, nous insistons beaucoup sur la portée de la loi Climat et résilience publiée en août : c’est un signal fort, susceptible de modifier profondément l’écosystème du diagnostic immobilier.
Je pense à l’élargissement du DPE collectif à la plupart des copropriétés, à l’audit énergétique qui arrive dès le 1er janvier 2022 ou au Plan pluriannuel de travaux (PPT) également prévu pour les copropriétés. La loi ouvre de nouveaux marchés réglementaires à la filière. En conférant au DPE une importance toute nouvelle, avec davantage d’expertise, elle valorise aussi cette profession parfois en mal de reconnaissance.”
Cette croissance est-elle aussi valable pour le BtoB et les marchés de l’avant-travaux ?
V. D. : “Oui, nous privilégions également un scénario de croissance sur les marchés de l’avant-travaux au cours des deux prochaines années. Une première explication tient au contexte de rénovation énergétique. Dans le résidentiel comme dans le non résidentiel, les opérations se multiplient encouragées par le plan de relance et les mesures fortes de l’État. Très logiquement, cette dynamique de rénovation va donc porter le marché de l’avant-travaux.
Une deuxième explication tient à l’environnement réglementaire et normatif des repérages avant-travaux, amiante ou plomb. Les arrêtés et normes parus ces dernières années stabilisent ce marché et favorisent sans doute la démocratisation des repérages avant-travaux, même si beaucoup de chantiers sont encore lancés sans diagnostics préalables. Enfin, l’élargissement du diagnostic déchets, jusqu’à présent cantonné aux seules démolitions, représente aussi une opportunité de marché supplémentaire pour la filière.”
Éternelle guerre des prix
Vous identifiez cependant quelques freins à cette croissance ?
V. D. : “Effectivement, année après année, nous observons un panier moyen en stagnation, et même en baisse parfois. La difficulté de la profession à vendre ses prestations à leur juste prix, et donc à soigner ses marges, reste une tendance constante observée sur les dix dernières années. Le nouveau DPE peut-il bouger les lignes ? Puisque le diagnostic exige davantage de temps, le panier moyen devrait logiquement augmenter, mais nous préférons rester prudents. En fait, tout dépend de la zone géographique et de la pression concurrentielle.”
Cette croissance profite-t-elle à toutes les composantes du diagnostic ?
V. D. : “Lorsque nous évoquons 5% de croissance en 2022, puis à nouveau 5% en 2023, nous parlons bien entendu d’estimations moyennes. Il est certain que les entreprises structurées apparaissent mieux positionnées que le diagnostiqueur solo, pour se saisir de nouveaux marchés comme le diagnostic déchets, le plan pluriannuel de travaux ou l’audit énergétique.
Au cours de ces dernières années, la filière a vécu des opérations d’envergure : Hypérion Développement qui rachète Expertam, Ex’im et Defim, Socotec et Expert Habitat, le lancement d’une filiale purement dédiée au diagnostic par BTP Consultants… Les réseaux renforcent leur attractivité et leur présence territoriale. La profession relativement jeune, se structure et le mouvement de consolidation observé depuis plusieurs années risque encore de s’accentuer avec les nouvelles opportunités de marché qui exigent davantage d’expertise.”
Vous songez à la diversification…
V. D. : “Nous avons la sensation qu’un cap a été franchi dans la diversification. Des cabinets, des réseaux, se sont convertis, en partie du moins, à une activité d’ingénierie, de contrôle, de conseil ou de bureau d’études. Le nouveau DPE, plus généralement la loi Climat et résilience, en positionnant le diagnostiqueur en acteur clé de la qualification des biens, poussent un peu plus encore les entreprises du diagnostic dans cette voie, vers le déploiement de nouvelles compétences.
C’est sans doute l’un des défis du diagnostic dans les années à venir où sera testée sa capacité à élargir son champ d’activité, à capter de nouveaux clients, et à se positionner davantage comme un expert ou un accompagnateur dans la durée et non plus sur une mission.”
(*) “Le marché du diagnostic immobilier face à la réforme du DPE”, Xerfi Precepta, septembre 2021.
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