C’est un discours un peu à contre-courant. La députée Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure de la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments appelle à un changement de paradigme pour ne pas tomber dans le piège du tout-électrique. L’élue iséroise invite à effacer d’abord une partie de nos besoins pour ne produire que l’énergie dont nous avons réellement besoin.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre reste bien sûr une priorité. Personne aujourd’hui ne songe à la remettre en question. Surtout pas Marjolaine Meynier-Millefert. Mais la réduction des émissions de GES, essentielle, ne doit pas éclipser les autres enjeux liés à la rénovation du bâti.
La députée Renaissance plaide un rééquilibrage: la baisse des consommations énergétiques ou la lutte contre la précarité énergétique ne peuvent être reléguées au second plan. « Ça ne marche pas si on ne commence pas par réduire nos consommations », répète-t-elle à l’envi. « Dans une première logique, si l’énergie était de l’eau, nous chercherions d’abord à régler les problèmes de fuite avant de nous demander comment nous remplissons le réservoir. »
« Ne reproduisons pas les mêmes erreurs
en ayant peu d’ambition dans les économies d’énergie »
Régler les problèmes de fuites. Justement, la France a pris un peu de retard, et le gisement d’économies reste considérable sur un bâtiment qui pèse 700 TWh de consommations énergétiques annuelles. Pourtant, comptablement, on n’y est pas. « Le soutien à la production d’énergie décarbonée est bien plus important que l’investissement dans les économies d’énergie. »
En guise d’illustration, la députée cite les six nouveaux EPR qui sortiront de terre d’ici à 2050 avec une puissance de 13 TWh chacun et pour un coût global qui dépasse -déjà- les 50 milliards d’euros. En face, le fonds chaleur de l’Ademe atteint (seulement) un demi-milliard d’euros de subventions pour l’année 2002 après quatorze ans d’existence. Marjolaine Meynier-Millefert y voit un sérieux « déséquilibre ». On est prêt à investir massivement pour produire une électricité décarbonée, mais on se montre plus regardant quand il s’agit d’économiser de précieux TWh et d’effacer une partie de nos besoins.
L’histoire bégaye. « On a déjà fait le choix dans les années 1970 d’une énergie décarbonée avec le nucléaire et le tout-électrique. Or les pays du Nord qui ont privilégié des économies d’énergie à l’époque sont aujourd’hui parmi les plus exemplaires. » La preuve par les chiffres, le logement français se révèle 2,5 fois plus énergivore que le logement suédois, malgré un climat qui n’a rien de comparable. Quand la Suède s’évertuait à économiser l’énergie et à promouvoir les énergies renouvelables, la France devenait le champion européen de l’électricité, l’énergie de chauffage la plus chère au m². « Ne reproduisons pas les mêmes erreurs en ayant peu d’ambition dans les économies d’énergie. »
« L’énergie décarbonée, ce n’est pas seulement la PAC »
« Commençons par réduire les besoins énergétiques et ensuite regardons comment nous pouvons produire l’énergie qui nous manque. » Pour effacer une partie de ses besoins, France dispose d’un potentiel en la matière. Pêle-mêle, la députée évoque la capacité de récupération de chaleur (« une marge de manœuvre très importante, on serait fou de se passer de cette capacité »), les EnR comme la géothermie (« On peut aller chercher une centaine de TWh ») ou l’éolien pour veiller à un mix électrique plus équilibré…
Cela vaut à l’échelle du pays, cela vaut aussi pour le logement où l’isolation doit être privilégiée et où la réflexion sur le chauffage/ECS ne doit pas se résumer au choix d’une pompe à chaleur. « L’énergie décarbonée, ce n’est pas seulement la PAC, rappelle Marjolaine Meynier-Millefert. Nous devons nous demander quels systèmes sont les plus rationnels en fonction des différents usages. Pour l’ECS, on peut se poser la question du solaire thermique. »
Privilégier le tout-électrique n’est pas forcément une solution. Car si la PAC est parfois vue comme une recette miracle, simple et rapide pour répondre aux objectifs de décarbonation dans le logement, elle a aussi le fâcheux inconvénient de rendre la France encore plus dépendante de cette électricité, qui pèse déjà beaucoup dans le mix énergétique. D’autant que « si on électrifie plus vite que l’on est capable de produire, on va se retrouver en difficulté selon RTE », poursuit la députée.
Les dernières orientations prises par le gouvernement et les corrections apportées à MaPrimeRénov’ pour 2024 avec des passoires énergétiques qui doivent d’abord penser isolation avant de songer au chauffage, ont satisfait la députée iséroise. La nouvelle version de MaPrimeRénov’ avec ses piliers « efficacité » et « performance » marque un virage, « plus cohérent » désormais.
« Nos outils sont bons, mais nous devons encore apporter des correctifs. » En apportant un rééquilibrage, par exemple, pour que la décarbonation n’écrase pas les autres priorités, la baisse des consommations (et donc des factures), la lutte contre la précarité, enjeux qui parlent davantage au public. Essentiel pour la députée. « Je ne sais pas comment on répond à toutes ses ambitions sans les gens, la rénovation énergétique doit se faire ensemble. »
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