Gel des loyers depuis août, interdiction de relouer un logement très énergivore depuis janvier, l’étau se resserre autour des propriétaires bailleurs de passoires thermiques. En théorie… Car en pratique, on le voit bien avec l’encadrement des loyers, rien ne garantit que ces mesures soient appliquées sur un marché du locatif où les deux tiers échappent au professionnel.
Entre la loi et la réalité, il y a parfois un sacré fossé. Sur l’interdiction de louer les logements trop gourmands en énergie finale, on manque encore de recul, la mesure est entrée en vigueur en janvier. En revanche, on a un peu plus de visibilité sur le gel des loyers. On le rappelle, depuis août 2022, un propriétaire ne peut plus augmenter son loyer s’il ne justifie pas, au minimum, d’un DPE avec une classe E. Même pour appliquer l’IRL (indice de référence des loyers), ou un complément de loyer.
Le gel des loyers de passoires thermiques semble toutefois avoir ses limites. Dans une récente enquête sur l’encadrement des loyers, le magazine Challenges relève que près d’un quart des annonces classées F et G, sur plus de 2.000 analysées, comporte pourtant des dépassements de loyers. Pratique, cette notion de “complément” permet de s’affranchir du maximum autorisé lorsqu’un logement affiche des caractéristiques particulières de localisation ou de confort. L’astuce est semble-t-elle largement utilisée, et cela vaut pour de grandes enseignes de l’immobilier, comme pour les particuliers, dans la vingtaine de villes (Paris, Lille, Lyon, Bordeaux…) qui pratique déjà l’encadrement des loyers.
Grâce aux compléments de loyers, on se retrouve parfois à des années-lumière du loyer de base. La petite enquête de Challenges fournit quelques exemples éloquents: un studio de 22 m² à Paris proposé à 1.061 euros quand le loyer de base s’élève à 850 euros; un autre, toujours à Paris, supérieur de près de 40% au loyer de base avec une classe G de surcroît… En théorie, le complément de loyer n’est pourtant pas permis pour les logements en F et G.
Cause toujours…
L’étude de Challenges confirme combien il est difficile de faire appliquer une réglementation en matière de loyers. Ce n’est pas nouveau. L’association nationale de consommateurs CLCV a déjà dénoncé les nombreuses entorses à l’encadrement des loyers. Dans sa dernière enquête menée entre 2021 et 2022, dans la capitale et alentours, l’association relevait pas moins de deux tiers de non-conformités !
Pourquoi en serait-il différent pour le gel des loyers des passoires énergétiques? Sur un marché où deux tiers des locations continuent à se faire de particulier à particulier, personne ne va contrôler qu’un propriétaire augmente le loyer de sa passoire thermique, ou même qu’il l’a mise en location. À moins de passer par la case justice, ce qui demeure souvent dissuasif et fastidieux pour un locataire, les contrôles sont quasi inexistants et les sanctions n’ont rien d’automatique. Dans le même registre, on peut se demander qui demain empêchera un propriétaire privé de louer un logement G à partir de 2025 ou F à partir de 2028.
Le gouvernement peut bien imaginer tous les dispositifs pour éradiquer les passoires énergétiques, leur efficacité sur le terrain n’est pas démontrée. Pour le moment… Car la réglementation en matière d’encadrement des loyers évolue, avec des sanctions qui risquent de pleuvoir davantage sur les bailleurs. Depuis le 1er janvier, les communes peuvent ainsi contrôler, à la place du préfet, si l’encadrement est bien respecté dans leur ville. À Paris, la mairie a aussitôt saisi l’opportunité avec un site internet où le locataire peut signaler un loyer trop élevé. L’amende est plutôt dissuasive, jusqu’à 5.000 euros pour un propriétaire particulier, 15.000 euros pour le professionnel. Si ça marche avec l’encadrement des loyers, ça pourrait aussi fonctionner demain avec l’exigence d’une performance énergétique minimale…
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