Diagnostic immobilier: réserves-types, une fausse bonne idée?

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Par Me Damien Jost, avocat au barreau de Paris.

Le cabinet Damien Jost est spécialisé dans le domaine de l’immobilier. L’avocat est aussi un fin connaisseur du diagnostic immobilier, profession qu’il défend et accompagne depuis plus d’une quinzaine d’années.

Pour le technicien, comme pour son fournisseur de logiciels, la tentation est forte d’introduire dans la trame du rapport des phrases (explication, mise en garde…) censées dévier la foudre en cas de mise en cause ultérieure du diagnostiqueur.

Pour bon nombre d’entreprises de diagnostic immobilier, soucieuses de préserver le contrat d’assurance, n’y aurait-il pas là un bon moyen de sécuriser l’activité ? Voici deux exemples bien connus : “examen visuel de toutes les parties visibles et accessibles” ; “dans tous les cas, l’intervention n’a pas pour but de donner un diagnostic de la résistance mécanique des bois et matériaux”. Or l’expérience judiciaire montre qu’en cas de litige, ces réserves n’auront qu’une efficacité relative, voire pas d’efficacité du tout.

Quelques explications s’imposent avant d’envisager les solutions possibles. Pour le juge, pas possible de se décharger par avance de tout ou partie de la mission. Pas possible non plus de s’abriter derrière une réserve générale insérée systématiquement dans le rapport final.

Revenons sur chacune de ces idées pour bien la comprendre. Ne pas pouvoir se décharger par avance de son travail, cela signifie bien sûr que le technicien ne peut limiter de sa propre initiative le contenu de sa mission. Ainsi, selon le juge, l’on ne peut se dispenser de son devoir de conseil dans une situation où les signes apparents (ex. indices d’infestation) justifient que l’on recommande telle ou telle action (sondages destructifs, consultation d’une entreprise de traitement) au lecteur du rapport (qui n’est pas uniquement le donneur d’ordre, mais, bien au contraire, sera demain l’acquéreur, voire l’expert judiciaire, et, finalement, le juge). Sur ce point, il n’est pas inutile d’ajouter que le devoir de conseil s’impose, même s’il n’est malheureusement pas évoqué dans les normes applicables.

Du sur-mesure plutôt que du prêt-à-porter

Expliquons maintenant pourquoi une réserve générale et systématique ne protège pas. Dans l’esprit du juge, une telle réserve est inefficace, car rien ne démontre qu’elle concerne le cas particulier (c’est-à-dire le bien examiné), alors que sa formulation (digne d’une notice pharmaceutique) fait penser à une “décharge type”, utilisée quel que soit l’aspect réel des lieux.

Par conséquent, par son côté abstrait, une telle formule sera jugée sans valeur informative réelle.
Pour résumer, préférons le “sur-mesure” au “prêt-à-porter” rédactionnel ; personnaliser le modèle est donc une bonne idée (à condition de ne pas alourdir le rapport)… pour autant que le logiciel utilisé l’autorise.

Contrairement à une idée largement répandue, la rigidité du logiciel n’est d’ailleurs pas un argument en défense aux yeux du juge. Selon lui, il appartient au rédacteur du rapport de trouver par lui-même les moyens de bien communiquer avec le lecteur, quitte pour cela :

  • à ajouter du texte (réserves et/ou recommandations « sur mesure »),
  • à jouer sur la mise en page (couleur, taille des caractères, emplacement),
  • à accompagner, le cas échéant, le rapport d’un mail mettant en garde le donneur d’ordre sur tel ou tel danger.

Bon nombre de condamnations démontrent que, selon le juge, le diagnostiqueur n’a pas su trouver les mots pour dire le danger. En pratique, il faut distinguer deux types de situation appelant chacune un message particulier : soit l’on a vu quelque chose, indice ou autre, qui annonce un danger potentiel, soit l’on n’a pas pu tout voir, du fait de tel ou tel obstacle.

Les cursus de formation ne contiennent pas (ou peu) d’exercices rédactionnels purs, particulièrement quand il s’agit d’exprimer son devoir de conseil (à cet égard, certains notaires jugent encore les rapports de diagnostic “illisibles” !). Or la maîtrise de l’écrit (non pas dans un but littéraire, mais seulement dans une logique explicative, c’est-à-dire de vulgarisation) fait désormais partie du kit de sécurité de tout diagnostiqueur, et l’ignorer expose à de lourdes déconvenues.

L’on ne peut donc qu’encourager la profession (et ses assureurs !) à s’associer aux efforts entrepris ici ou là afin de renforcer la sécurité rédactionnelle du technicien, via plus de clarté du rapport et plus de devoir de conseil.

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