Le casse-tête du repérage amiante en locaux occupés

Avant une démolition, avant des travaux, on demande parfois au diagnostiqueur d’effectuer son repérage amiante dans des locaux encore occupés. Histoire de gagner un peu de temps. L’opérateur a donc remis un pré-rapport dans lequel une clause précise l’impossibilité de mener des investigations poussées, mais la cour d’appel de Besançon y voit une mention passe-partout…

La seule trace d’amiante connue dans cette ancienne station-service était une conduite en fibrociment dans les WC, identifiée des années auparavant dans un dossier technique. Le bâtiment est voué à la démolition, en 2018, la société propriétaire des lieux commande donc une mission de repérage avant-démolition comme le veut la réglementation. Un diagnostiqueur intervient, il remet son rapport concluant à l’absence d’amiante en dehors des WC.

Souci, quelques mois plus tard, au moment d’effectuer des travaux, on se rend compte qu’il y a un peu plus d’amiante qu’on ne le pensait. On rappelle donc le diagnostiqueur qui établit “un complément de rapport mentionnant la présence d’amiante dans 25 prélèvement réalisés dans dix pièces du bâtiment”. Pour le propriétaire, c’est la douche froide. Sa facture vient d’augmenter d’un coup: il ne s’agit plus seulement de désamianter les WC, mais de retirer aussi les gaines de ventilation en amiante-ciment. Surcoût de l’opération? Plus de 42.000 euros, retard de chantier compris.

Au tribunal, la société de diagnostic rappelle que lors de sa première intervention, les locaux n’avaient pas été libérés. Comment effectuer des “prélèvements complets” quand les bâtiments restent occupés? Le premier rapport mentionnait d’ailleurs la nécessité d’une seconde investigation avant-travaux, une fois les locaux libérés: pour le diagnostiqueur, le propriétaire n’a pas suivi le conseil, il a démarré les travaux avant cette seconde investigation, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.

Les limites de la clause type

Côté propriétaire, le discours est forcément différent. Pour lui, le diagnostiqueur a failli à sa mission, il ne pouvait se contenter d’un contrôle visuel lors de sa première visite, il devait procéder aussi à des sondages même destructifs. “La mention, dans le rapport, de la nécessité d’une visite complémentaire en cas d’occupation des locaux n’est qu’une clause de style figurant dans tous les rapports.” Pour lui, l’opérateur pouvait tout à fait remplir sa mission puisque seuls 120 m² étaient encore occupés sur plus de 2.500 m² de surface.

L’argument de l’occupation de locaux a fait mouche auprès du premier juge, mais il est balayé par la cour d’appel de Besançon. Rien ne dit que l’a présence d’une agence immobilière sur 120m² occupation partielle des locaux empêchait réellment le diagnostiqueur d’effectuer sa mission. “Au surplus, il appartenait (au diagnostiqueur) en pareil cas, en exécution de son devoir de conseil, de prévenir spécialement le maître de l’ouvrage de l’incomplétude de ses vérifications et de lui proposer des examens complémentaires, sans pouvoir s’abriter derrière la mention générale du rapport.”

Le diagnostiqueur pensait être protégé grâce à la clause de son rapport indiquant l’impossibilité d’effectuer des investigations approfondies en milieu occupé, la cour d’appel y voit une pure clause type. “En effet, cette mention vise une situation hypothétique, de sorte qu’il appartenait au diagnostiqueur, le cas échéant, d’en confirmer la réalité au maître de l’ouvrage afin qu’il puisse en tirer les conséquences. De plus cette mention apparaît de pur style, dès lors qu’elle figure non seulement sur le rapport initial, prétendument établi après examen d’un site occupé, mais aussi sur le rapport définitif, pourtant réalisé hors de toute présence perturbatrice, ce qui montre que cette mention figure systématiquement sur les rapports, indépendamment de la présence réelle de personnes sur le site, et qu’il ne s’en peut déduire aucune conclusion sur la réalité d’un obstacle exonératoire de responsabilité pour le diagnostiqueur.”

La cour d’appel retient donc la faute du diagnostiqueur qui n’a pas détecté l’amiante “dès sa première visite”. Elle rejette toutefois la demande du propriétaire qui réclamait la prise en charge du désamiantage. “Ce retard de détection est sans effet sur l’obligation pour la société X de procéder au désamiantage total du bâtiment, auquel il aurait dû procéder de la même façon si tout l’amiante avait été détecté dès le premier rapport.” Et puisque le propriétaire n’apporte pas la preuve du préjudice subi en raison du retard de chantier, il n’obtient aucuns dommages et intérêts. La cour d’appel le dispense seulement de payer la facture du second repérage.

Cour d’appel de Besançon, n° 21-00404.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire