Le diagnostiqueur voit de l’amiante qui n’existe pas

En règle générale, le diagnostiqueur se fait taper sur les doigts parce qu’il est passé à côté d’un matériau ou produit amiante. Une fois n’est pas coutume, un opérateur qui avait diagnostiqué de l’amiante par erreur vient d’être condamné à indemniser le propriétaire qui a mené des travaux qui du coup, n’étaient pas indispensables.

C’est un classique du diagnostic amiante. En matière de dalles de sol, tout ce qui a été posé avant 1997, a de bonnes chances d’être amianté. Mais il y a aussi des exceptions. Autant dire que le diagnostiqueur a intérêt à se montrer prudent lorsqu’il conclut à la présence d’amiante sur jugement personnel. Dans le cadre d’un repérage réalisé avant vente, l’opérateur avait signalé la présence d’amiante dans les dalles du sol du plancher à partir de son examen visuel. Vendeur et acquéreur se mettent d’accord : le vendeur se charge du désamiantage.

Pas de trace d’amiante pour le labo

Qui dit travaux, dit donc nouveau repérage. Et cette fois, l’opérateur ne peut plus se contenter d’un examen visuel ou de son jugement personnel, il prélève un morceau des sols qu’il transmet au laboratoire pour analyse. Verdict? Aucune trace d’amiante. Le propriétaire vendeur réclame donc l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 6.000 euros entre le retard pris dans la vente, les démarches entreprises pour réaliser un repérage avant-travaux, la baisse de prix consentie à l’acquéreur…

Du côté du diagnostiqueur, on se défend: on lui a demandé d’effectuer un “diagnostic amiante avant-vente” et non un “diagnostic amiante avant-travaux”, par nature plus poussé. “Sa responsabilité ne serait pas engagée, au motif que la détection de fibre d’amiante s’était faite sur jugement de l’opérateur faisant suite à un simple examen visuel, la réalisation de prélèvements destructifs n’étant pas obligatoire pour l’établissement d’un diagnostic amiante avant vente.”

L’explication n’a pas convaincu la cour d’appel de Besançon. Morceau choisi: “Il appartenait à l’intéressée d’établir un constat objectif et fiable de la présence ou de l’absence d’amiante dans les locaux concernés, ce qui lui imposait de mettre en œuvre les techniques adaptées à la parfaite exécution de la mission confiée. À tout le moins, il lui appartenait, en cas d’aléa lié au mode d’analyse employé, à assortir ses conclusions de réserves expresses destinées à alerter les destinataires du diagnostic sur l’incertitude du résultat, et sur l’opportunité de faire procéder à des analyses complémentaires. Or, il doit être constaté que le rapport litigieux ne comporte strictement aucune réserve, et qu’au contraire la présence d’amiante dans les dalles de sol apparaît à sa lecture comme étant établie.”

Quel préjudice?

La justice considère donc que le diagnostiqueur a commis une erreur. Certes, celle-ci peut sembler moins dommageable que si l’opérateur était passé à côté d’un matériau réellement amianté, mais le préjudice est cependant réel. Dans le compromis signé avec son acquéreur, le propriétaire s’engageait en effet à désamianter dans les règles et à ses frais les sols litigieux, pour les remplacer par de nouveaux revêtements flambants neufs.

“Il en résulte sans ambiguïté qu’en raison des conclusions erronées portées par l’appelante sur son diagnostic, (le propriétaire) s’est retrouvé contraint, pour parvenir à la vente de l’immeuble, de réaliser des travaux en définitive inutiles, et qu’il a nécessairement dû mener à leur terme dès lors que le travail de démolition était entamé lorsque son inutilité est apparue.” Le vendeur tente bien de faire passer également le retard pris dans la vente, et la baisse de prix supposée, mais la cour d’appel ramène le préjudice à une juste mesure : “Le préjudice subi par (le propriétaire) consiste donc dans le coût de l’analyse complémentaire, dans celui du matériau de remplacement, mais aussi dans le temps et l’énergie consacrés par l’intéressé à la réalisation des travaux de retrait des dalles et de mise en place du nouveau revêtement, et dans les tracasseries générées par les différends survenus au sujet des travaux avec l’un des locataires de l’immeuble ainsi qu’avec l’autorité administrative.”

Le diagnostiqueur est donc condamné à verser 1.900 euros au titre de dommages et intérêts au propriétaire qui lui, devra s’acquitter de la facture de 1.100 euros pour les diagnostics réalisés dans le cadre de la vente.

Cour d’appel de Besançon, 24 janvier 2023, n° 21-00985.

1 Commentaire

  1. Il s’agit très clairement d’une erreur de diagnostic, la décision de justice est légitime.
    La décision sur jugement de l’opérateur se fait pour des matériaux pour lesquels la présence ou l’absence d’amiante ne fait aucun doute, pour lui et pour tout autre professionnel. La reconnaissance de l’opérateur permettra, par exemple, d’affirmer l’absence d’amiante dans des calorifugeages en mousse polyuréthane ou en polystyrène, et d’affirmer la présence d’amiante dans des éléments en amiante-ciment, notamment.
    Le jugement de l’opérateur n’est pas un “joker” en diagnostic, mais il exprime une compétence.
    En l’occurrence, il n’est pas possible pour un opérateur de repérage amiante d’identifier la présence d’amiante dans des dalles vinyliques, sans procéder à un prélèvement pour analyse.
    Il s’agit bien du type de MPSCA pour lequel il faut prélever dès le diagnostic vente, qui a pour objet le repérage des matériaux listes A et B.
    C’est une erreur majeure de diagnostic amiante que j’ai déjà constatée il y a plus de 20 ans dans un hôpital, où la présence d’amiante avait été affirmée sans analyse dans des dalles de sol. Pourtant, je suis de ceux qui défendent la possibilité d’un jugement sur connaissance de l’opérateur, mais il ne faut pas dévoyer cette possibilité.

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