Le plomb, ce mal invisible toujours présent

Balcon Paris

On est loin d’en avoir fini avec la pollution au plomb. Une récente communication de l’ARS Ile-de-France sensibilise les propriétaires franciliens au risque de contamination et au danger à laisser traîner les enfants sur le balcon. À Paris, 13% des cas de saturnisme infantile seraient dus à la présence de poussières de plomb sur les balcons.

On l’a utilisé à toutes les sauces. Dans les revêtements des toitures, dans les canalisations, dans les peintures, dans l’étanchéité des balcons ou des appuis de fenêtres, dans les vitraux… Partout, et durant des siècles. Alors, forcément, le moindre sinistre peut entraîner une pollution collatérale.

On pense aussitôt à l’incendie de Notre-Dame et ses 400 tonnes de plomb parties en fumée. Cette pollution plomb a fait couler beaucoup d’encre, mais elle est loin d’être un exemple isolé. En cas de sinistre, le risque rejaillit sans cesse. Dans les jours qui ont suivi l’explosion d’un immeuble rue Saint-Jacques à Paris, en juin 2023, des tests ont été menés sur la chaussée à proximité : sur une trentaine d’échantillons, six, seulement, affichaient des concentrations en plomb inférieures à la limite préconisée par le Haut conseil de la santé publique (1.000 µg/m²).

Mais cette pollution au plomb n’est pas le simple fait d’un sinistre. Dans une communication publiée fin 2023, l’ARS (Agence régionale de santé) Ile-de-France sensibilise les propriétaires à la pollution existant sur les balcons de la capitale. « La contamination au plomb ne se fait pas seulement sur le balcon, mais également à l’intérieur de l’appartement, explique l’ARS. Lors de l’ouverture des portes-fenêtres, les poussières de plomb issues de l’usure du balcon se déposent sur les sols intérieurs. Les jouets et doudous sont alors contaminés par les poussières présentes sur les sols intérieurs du salon et des chambres, et l’enfant se contamine ainsi. » Selon les autorités sanitaires, 13% des cas de saturnisme dans la capitale s’expliqueraient ainsi par le plomb des balcons.

Les trottoirs et les aires de jeux

Cette pollution vient aussi de l’usure naturelle des éléments plomb de la construction. « Les toitures peuvent contenir du plomb. Leur usure peut engendrer des poussières de plomb se déplaçant sur les balcons ou directement à l’intérieur du domicile », rappelle l’ARS. De même, le sol du balcon peut aussi être revêtu de plomb laminé. Autant d’éléments qui vieillissent, et qui avec le ruissellement finissent par relâcher leurs toxiques particules de plomb dans l’environnement parisien.

C’est ce qu’on appelle le « bruit de fond ». Pour se faire une idée, la Fédération française du bâtiment et le Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques avaient mené une petite expérience en 2017 en pratiquant une centaine de tests sur les trottoirs parisiens. En gros, on applique une lingette sur le sol, on frotte, et on analyse ensuite ce qui a été absorbé. Résultats, 37% des lingettes affichaient une concentration supérieure à 1.000 µg/m² le seuil préconisé par le HCSP. Par le passé, l’enquête Plomb-Habitat conduite par le CSTB a aussi montré combien les aires de jeux des enfants, en particulier les sols durs et en ville, pouvaient être aussi contaminées et contribuer à la plombémie des enfants.

Cette pollution persistante existe, mais on a encore du mal à mesurer sa part de responsabilité dans les cas de saturnisme. L’Anses saisie en 2019 au lendemain de l’incendie Notre-Dame, en convenait : aucune étude ne permet d’apprécier véritablement à quel point les poussières extérieures sont sources d’exposition au plomb. Mais on sait qu’elles ne sont pas négligeables, en témoigne la communication de l’ARS.