L’appartement était épargné par les termites, pas par la mérule. Comme sa mission se bornait uniquement aux termites, le diagnostiqueur s’est contenté de signaler la présence d’une « pourriture cubique ». Pas suffisant aux yeux de la justice, d’autres indices flagrants auraient dû apparaître dans son rapport, au titre du devoir de conseil.
Où commence, où finit le devoir de conseil ? Dans un diagnostic termites, la mission du diagnostiqueur se limite au repérage des isoptères. Logique. Mais pour une prestation dans les règles de l’art, l’opérateur doit aussi mentionner les indices d’autres infestations du bois en « constatations diverses ».
Sollicité en 2017 pour la vente d’un lot, appartement et cave, le technicien avait conclu à l’absence d’indices d’infestation de termites. En revanche, il signalait une pourriture cubique au niveau d’une fenêtre et dans une chambre de l’appartement.
Une fois la vente signée, des travaux de rénovation sont lancés, et l’acquéreur ne tarde pas à découvrir que cette pourriture cubique n’a décidément rien d’anodin. En fait, c’est tout l’appartement, et même l’immeuble qui sont infestés par le champignon. Pour lui, aucun doute, le diagnostiqueur a clairement commis une faute. En première instance, il obtient plus de 60.000 euros. Jolie somme, mais pas suffisante encore pour le propriétaire qui réclame également la prise en charge de sa quote-part des travaux d’éradication de la mérule dans la copro (19.000 euros) et 86.000 euros au titre du préjudice de jouissance: la mérule a retardé les travaux de près de deux ans, et repoussé donc l’occupation de ce bien en front de mer.
Une mérule bien visible
Pour la cour d’appel, la faute du diagnostiqueur est pourtant loin d’être aussi évidente. Après tout, la mission consistait en un diagnostic termites, et non en un état parasitaire. Dans les règles de l’art, l’opérateur est tenu de signaler d’autres infestations, mais uniquement au titre des constatations diverses, « de manière générale pour information du donneur d’ordre » selon la norme.
On ne peut pas reprocher au diagnostiqueur de n’avoir rien vu, puisqu’il a mentionné la présence de pourriture cubique. Malheureusement, ses observations ne sont pas complètes. « Au titre de ses constatations diverses, (la société) aurait dû mentionner la très forte humidité affectant l’appartement en certains endroits dès lors que, selon l’expert, cette humidité ne pouvait passer inaperçue pour un professionnel. »
L’opérateur a donc commis une faute en omettant dans son rapport des indices « manifestes » d’une attaque fongique. L’expert a ainsi relevé dans la cave, au-dessus de la porte d’accès « une importante fructification de mérule visible et caractéristique » avec des solives en piteux état, et parfois même détruites. Pour la cour d’appel, il est clair que le diagnostiqueur a manqué à son obligation de conseil puisque le rôle des constatations diverses est d’alerter le donneur d’ordre afin de lui permettre de réaliser un état parasitaire.
Condamné au titre de la perte de chance
Que le diagnostiqueur ait commis une erreur n’est pas une raison pour lui faire supporter le coût de l’éradication de la mérule comme le voudrait le propriétaire. « Le diagnostic litigieux n’était pas censé garantir l’acquéreur contre le risque mérule, mais seulement lui apporter une information générale sur l’existence de ce risque afin de lui permettre d’apprécier l’opportunité d’effectuer un état parasitaire. »
La cour d’appel ramène donc le préjudice à une perte de chance. « Tout au plus convient-il de considérer que la faute du diagnostiqueur consistant en un manquement à son devoir de conseil, pour ne pas avoir préconisé l’établissement d’un état parasitaire (…) a causé aux acquéreurs une perte de chance de mieux apprécier l’opportunité de contracter et le cas échéant de négocier le prix en appréhendant plus précisément la nature et l’ampleur des travaux rendus nécessaires par l’état du bien. »
Pour la cour d’appel cette perte de chance reste cependant minime au regard de la situation de l’immeuble et du manque d’entretien de la copropriété « depuis de nombreuses années ». L’appartement dans une villa « d’architecture remarquable », nécessitait une réfection globale et a d’ailleurs été négocié bien en dessous du prix du marché. La cour évalue donc la perte de chance à 10% et condamne le diagnostiqueur à indemniser l’acquéreur à hauteur de 6.800 euros.
Cour d’appel de Rennes, 1re chambre, 16 mai 2023, n° 20-06148.
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