On n’y est pas encore, mais on s’en approche. Voilà quelques années déjà que l’Europe invite les États membres à se montrer plus ambitieux en matière de désamiantage. Pure incitation jusqu’à présent, mais avec la directive sur la protection des travailleurs face à l’amiante révisée en 2022, l’Europe pourrait durcir le ton. Dans ses travaux préliminaires, le parlement européen propose que chaque État membre adopte un calendrier pour en finir une bonne fois pour toute avec l’amiante.
En Espagne, plusieurs régions se sont fixés l’objectif d’éradiquer l’amiante dans leurs écoles. En Pologne, une cartographie a été lancée en 2011 à l’échelle du pays avec l’ambition, là-aussi, d’éliminer l’amiante avant 2030. Aux Pays-Bas, ou en Flandre encore, on a vu des politiques publiques volontaristes surgir au cours des années 2010.
En France? Rien. Malgré une réglementation prodigieuse, toujours plus riche année après année, on ne parle toujours pas d’éradication de l’amiante. Quand il s’agit de contraindre au désamiantage, la réglementation reste peu prolixe. Tant que l’amiante est en bon état, tant qu’on n’y touche pas, le propriétaire peut le conserver ad vitam æternam. Morcelée entre plusieurs ministères, la réglementation amiante demeure centrée sur la gestion du risque.
Des délais, des priorités aussi
Et si l’Europe venait bousculer la réglementation amiante? La Commission européenne a prévu de réviser cet été la directive de la protection des travailleurs contre l’amiante, mais les travaux menés par le Parlement cet automne, laissent entrevoir de sérieuses évolutions. Que cela soit en matière de gestion du risque avec des diagnostics systématiques en amont des travaux de rénovation, d’information des locataires, ou de stratégie de désamiantage.
Dans le texte adopté fin octobre, le parlement européen demande ainsi à la commission “de présenter une proposition de directive-cadre pour que les États membres établissent des plans nationaux de désamiantage qui incluent des délais clairs et réalistes, notamment des priorités et des objectifs intermédiaires, la détection et l’enregistrement de l’amiante, un financement et un soutien aux propriétaires”. Autrement dit, que la France comme ses voisins, établisse une feuille de route pour se débarrasser des quelque 20 millions de tonnes de matériaux et produits amiante qui demeurent encore en place dans le bâti hexagonal.
Des aides pour les propriétaires
Le Parlement européen fournit quelques pistes pour cette directive-cadre très ambitieuse avec d’abord “une évaluation estimant les quantités et les principaux types de matériaux contenant de l’amiante devant être retirés des bâtiments et infrastructures” et “un calendrier pour le désamiantage”. Parce qu’en France, comme ailleurs, il semble impensable de tout désamianter d’un coup, l’Europe suggère de prioriser certains bâtiments tels que les écoles, les établissements de santé, les centres sportifs ou encore les logements sociaux. Et pour s’assurer que le plan de désamiantage sera bien suivi, il est envisagé des évaluations régulières au moins tous les cinq ans.
Dans un contexte de rénovation énergétique, le Parlement souhaite également que la directive-cadre prévoie aussi un “cadre financier” afin de soutenir les propriétaires de bâtiments et “d’associer ainsi le désamiantage à d’autres politiques et programmes publics (tels que l’efficacité énergétique, les améliorations du cadre de vie, le logement social, la prévention des maladies)”.
Un calendrier pour désamianter certains bâtiments avant telle échéance, des aides au désamiantage couplées avec celles de la rénovation énergétique, bien sûr, rien n’est fait. Rien ne dit que la Commission suivra à la lettre les propositions du Parlement. Mais dans un contexte où 35 millions de bâtiments doivent être rénovés d’ici à 2030, on a du mal à imaginer que l’Europe n’exige davantage d’efforts des États membres.
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