Les enseignes de bricolage traditionnelles (Leroy-Merlin, Castorama, Bricomarché…) flèchent à leur manière les aides de l’État et commencent à proposer en parallèle leurs propres aides. Même mouvement en ligne, chez les e-commerçants et les start-uppers. Au point de densifier encore la jungle des aides ?
Cela fait quelques années déjà que les grandes enseignes de bricolage ne s’en tiennent plus à la vente de leurs produits. Elles fournissent un accompagnement technique, en transformant leurs vendeurs en conseillers et en développant leur propre réseau d’artisans-partenaires. Autrement dit, elles se positionnent avec un service de bout en bout.
Or, entre la réflexion liée au projet de rénovation et le lancement du chantier, il y a une étape indispensable : le financement. Les grands magasins ne l’ont pas ratée. Ces derniers mois, la crise de l’énergie et une actualité réglementaire dynamique en faveur de la rénovation énergétique des logements les ont incités à muscler leurs offres.
Les majors du bricolage mobilisées
Rappelons d’abord que le marché français du bricolage (les enseignes traditionnelles brick & mortar) est plutôt déséquilibré puisqu’il reste tenu par deux leaders. D’un côté, le groupe Adeo (Leroy-Merlin, Weldom et Bricoman), qui dispose à lui seul de 45% des parts ; de l’autre, le britannique Kingfisher (Castorama et Brico Dépôt) qui pèse pour 26%. En troisième position arrive le groupement des Mousquetaires, à 14% avec les marques Bricomarché, Bricorama et Brico Cash. Puis Mr. Bricolage à 8,5% (source: Les Echos, avril 2022).
Toutes ces enseignes-là sont sorties gagnantes des confinements à répétition : la Fédération des métiers du bricolage (FMB) a enregistré une hausse de chiffre d’affaires de +13% en 2002, puis +10% en 2021. En 2023, elles se positionnent clairement sur deux sujets : l’énergie et l’économie circulaire. Castorama par exemple a lancé l’an dernier un partenariat avec BackMarket (« Les reconditionnés »). Les enseignes de bricolage s’affichent au service du porte-monnaie des consommateurs.
MaPrimeRénov’, aides CEE, chèques Energie, aides de l’Anah, dispositifs spécifiques pour les copros… L’offre est pléthorique et parfois confuse. Les grandes chaînes de distribution ont donc entrepris à la fois de flécher ces aides de l’État et en parallèle (mais c’est encore rare) de lancer leurs propres coups de pouce financiers.
Pour rappel, en novembre 2020, Leroy-Merlin est le premier à avoir été agréé mandataire MaPrimeRenov’ par l’Anah. Ce dispositif étant parfois décrié en raison de l’attente conséquente avant de recevoir le versement, Leroy-Merlin a proposé à ses clients de leur avancer l’argent, « en déduction immédiate sur leur facture ». Une bonne façon de booster ses ventes – et dans un second temps de passer le relais à ses 300 professionnels certifiés RGE, partenaires de l’enseigne pour l’installation d’un ballon thermodynamique, d’une pompe à chaleur ou encore pour changer des fenêtres.
En septembre dernier, Leroy-Merlin a étoffé sa proposition avec trois autres mesures qui viennent former le plan « Mode Eco activé ». Il s’agit d’un blocage des prix sur 100 produits « économie d’énergie » entre septembre 2022 et mars 2023, du lancement de deux applications (Hommy pour le carnet d’information du logement, et Enki pour la domotique), qui peuvent aider à piloter ses consommations et enfin d’un « partenariat solidaire » noué avec Stop à l’Exclusion Énergétique, collectif d’une soixantaine d’organisation de lutte contre la précarité énergétique.
Une assistance téléphonique vient également d’être mise en place, sur rendez-vous : le client peut échanger pendant 30 minutes avec un collaborateur de l’enseigne, pour « toutes les questions sur les travaux, les aides accessibles et les démarches à réaliser ».
Les Français ne sont pas prêts
C’est le moment de rappeler ce chiffre, rendu public par l’Ifop début janvier 2023 : « La réalisation de travaux de rénovation énergétique reste encore peu envisagée à court ou moyen terme. 43% des Français envisagent de réaliser des travaux énergétiques : dont 8% sur le court terme (dans l’année), 16% à moyen terme (un projet certain dans les années à venir) et 19% à long terme (sans savoir exactement quand). » Même topo dans les copros, 60% des copropriétaires n’envisagent toujours pas de travaux.
Ce n’est pas forcément une question d’envie, c’est aussi une question de moyens. Le budget moyen que les Français se disent prêts à dépenser pour ces travaux est de 5.991 euros. On est loin, très loin, du compte, quand on sait que la rénovation d’un logement coûtera en moyenne plusieurs dizaines de milliers d’euros. Mais – et c’est plus important encore – une forte proportion de Français n’a sans doute pas commencé à concrétiser ce projet en demandant des devis, puisque 65% des interviewés ne parviennent pas à indiquer quel montant ils seraient prêts à investir…
Retour au terrain… Chez Castorama, on actionne le même levier d’intermédiation vers MaPrimeRénov’ que chez Leroy-Merlin, avec là aussi un simulateur de prime en ligne. À noter que les deux enseignes ne boudent pas non plus les CEE : en s’adossant toutes deux sur ce dispositif, elles avaient lancé deux produits baptisés « Prime Energie » et deux sites internet dédiés.
Boucles de partenariats
Plus différenciant : en fin d’année dernière, Brico-Dépôt a offert l’audit énergétique à ses clients, trois mois durant. Le coût moyen d’un audit est estimé entre 600 et 1.000 euros. Équivalent d’une consultation chez un médecin spécialiste (le DPE étant le généraliste), l’audit énergétique d’abord annoncé pour 2022 entrera en vigueur en ce mois d’avril 2023.
L’offre de Brico-Dépôt semble donc pertinente. La marque réglait le reste à charge, déduction faite de MaPrimeRénov’, et à deux conditions : que le client dispose de la carte du magasin (gratuite) et qu’il réalise les travaux de rénovation énergétique dans les six mois avec Ynergie, le partenaire de l’enseigne et délégataire pour les CEE.
Autre initiative intéressante, les trois enseignes des Mousquetaires (Bricomarché, Bricorama et Brico Cash) ont noué fin 2021 un partenariat avec la start-up Cozynergy (250 installateurs), elle-même adossée au groupe BPCE. Cozynergy annonçait, au même moment, être en discussion avec plusieurs réseaux d’agences immobilières. Histoire de « boucler la boucle ».
À noter enfin que les acteurs historiques du bricolage ne sont pas les seuls à se positionner sur le marché de la rénovation : leurs « disrupteurs » comme la licorne ManoMano ont développé le même système d’assistance au décrochage des primes. ManoMano s’est associé avec Effy… Deux entreprises plutôt douées pour le marketing. Idem pour les enseignes de la GMS : Leclerc, Auchan etc., revendiquent leur capacité à actionner MaPrimeEnergie, avec par exemple « jusqu’à 35%* de vos travaux reversés en cartes cadeaux E. Leclerc ».
Au final, vous avez l’impression que tout cela ne fait que complexifier l’offre ? Franchement, nous aussi.
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