Les locations saisonnières rattrapées par le DPE

location saisonnière

Elles sont dans le collimateur depuis quelques mois. Accusées déjà de déstabiliser le marché du locatif, les locations saisonnières font planer une menace encore plus sérieuse en apparaissant aujourd’hui comme une échappatoire aux interdictions de location de passoires. Mais le gouvernement comme les parlementaires semblent décidés à les soumettre au même régime.

Pas de DPE pour les locations saisonnières. Donc logiquement, pas d’obligation de rénovation énergétique non plus. Ajoutons à ça une fiscalité plutôt attrayante, la location saisonnière boostée par Airbnb et consorts à littéralement explosé. Le nombre de logements voués à la location touristique de courte durée est passé de 300.000 en 2016 à 800.000 en 2021. La crise Covid n’aura été qu’une parenthèse, Airbnb et Abritel, les deux plates-formes leaders ont enregistré en 2022, 86 millions de nuitées en France; 29% de plus que l’année précédente, 26% de plus qu’en 2019.

Et la location saisonnière pourrait se révéler encore plus attrayante pour les propriétaires dans un proche futur. Pourquoi rénover ma passoire énergétique si en la transformant en location saisonnière, je peux y échapper ? La rénovation énergétique risque d’encourager les transfuges du marché locatif classique vers le saisonnier. Pas de DPE, pas de gel des loyers, pas d’interdiction de location…

Le gouvernement ne veut pas laisser faire

Le gouvernement est conscient du risque. Depuis plusieurs mois, le ministre chargé du Logement, Olivier Klein, tente de rassurer les élus locaux en affirmant sa volonté de combler cet angle mort. “Il faut que l’on travaille pour que ce soit les mêmes règles, on ne peut pas sortir des logements dont nous avons besoin pour loger nos concitoyens”, expliquait-il dès octobre. Rebelote en février, il évoquait un travail mené sur “un véhicule législatif”. “Il serait insupportable qu’une passoire thermique se retrouve sur un site internet dont je ne citerai pas le nom pour devenir un meublé touristique.”

L’idée est donc bel et bien dans les tuyaux. Elle a même à tendance à revenir de façon très insistante. En février, des sénateurs suggéraient d’étendre le DPE aux locations saisonnières. Deux mois plus tard, des parlementaires travaillent à une proposition de loi transpartisane. “Nous voulons lutter contre le tsunami de la disparition de logements au profit des locations touristique”, explique au Monde, le député EELV, Julien Bayou.

Du côté de la majorité présidentielle, on dégaine aussi sa proposition de loi. L’objectif est simple, que les locations saisonnières soient soumises aussi au DPE “qui entraîne sa subordination aux mêmes obligations de performance énergétique que les logements”, selon l’exposé des motifs. En clair, les propriétaires devront aussi rénover leur logement pour continuer à louer : dès 2025 si le logement est classé G, 2028 s’il est en F et 2034 pour les étiquettes E. Parce que la situation change d’une commune à l’autre, le texte laisse toutefois la possibilité aux communes de déroger à la règle.

L’étau se resserre autour de la location saisonnière

La proposition de loi enregistrée fin avril à l’Assemblée nationale ne se contente pas de soumettre les locations saisonnières aux interdictions de passoires énergétiques, elle envisage aussi des compétences élargies pour les élus locaux afin de réglementer l’implantation des locaux à usage touristique. Par exemple, en étendant aux zones tendues, la déclaration obligatoire de changement d’usage, jusqu’à présent réservée aux communes de plus de 200.000 habitants et à quelques départements franciliens. Le texte propose également de revoir le régime fiscal de ces locations meublés, pour le rendre un peu moins attractif.

L’étau se resserre. Dans les territoires, les élus locaux sont en demande. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu, multipliant les règles à l’encontre des locations saisonnières. Car l’encadrement voulu par la loi Alur puis la loi Elan se révèle manifestement insuffisant. À Montpellier, à Bordeaux, à Marseille, au Pays-Basque, et dans bien d’autres territoires, on rivalise déjà d’imagination pour mettre en place de nouveaux dispositifs à coups de compensation ou de quotas, et tenter de rééquilibrer en faveur de la location longue durée.

Proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue.