Pourquoi une maison en RT 2012 n’obtient pas forcément une bonne étiquette DPE ? Question de méthode de calcul. Dans le neuf comme dans l’existant, on a démultiplié les outils pour évaluer la performance environnementale d’un bâtiment. Le projet Cible piloté par le CSTB veut remettre de l’ordre, et dessine l’outil d’éco-simulation de demain : une seule et même méthode pour tous les usages, et à n’importe quel moment de la vie d’un bâtiment.
On ne va pas dire qu’ils ne fonctionnent pas, mais avec le temps, les différents moteurs de calcul pour simuler la performance environnementale se sont transformés en usines à gaz. Cela vaut pour le DPE dont les failles bénéficient d’une large publicité depuis deux ans ; cela vaut aussi pour la RT2012, la RE2020, la TH-C-E-ex et on en passe. Au fur et à mesure que la performance énergétique/environnementale gagne du terrain, leurs approximations et parfois même leurs incohérences, deviennent gênantes.
Les méthodes de calcul d’aujourd’hui ont besoin d’être agiles. À une époque où les innovations passent de moins en moins de temps dans les labos pour arriver plus vite sur le marché, « on a besoin de faire évoluer les choses rapidement, désormais », plaide Julien Hans, directeur Energie-Environnement au sein du CSTB. « Avec la RT2012 ou la RE2020, nous sommes sur des modèles réglementaires verrouillés. Quand vous développez de nouvelles technologies, il faut en passer par un titre V, une procédure pour intégrer de nouveaux produits ou équipements. » C’est long, c’est fastidieux, et ça prend du temps. Et cela vaut aussi pour les autres méthodes de calcul. En témoigne la révision de la 3CL utilisée pour le DPE qui aura exigé plus de deux ans (2019-2021).
Le projet Cible initié en début d’année, financé par l’Ademe, soutenu par le ministère et piloté par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), doit donc dessiner une méthode de calcul plus souple. Que l’on puisse faire évoluer la méthode sans que cela ne devienne aussitôt une usine à gaz. C’est une « exigence fondamentale », un moteur de calcul qui puisse évoluer, éventuellement en open source. « J’ai l’intuition que la construction va bouger encore plus vite au cours des dix prochaines années avec la rénovation, le numérique, l’économie circulaire, les déchets… »
« On est reparti des choses qui ne marchaient pas. »
Plus évolutif, plus complet aussi. Là encore, c’est historique. À chaque fois, on est reparti de la version ancienne, faute de temps pour tout remettre à plat. Avec parfois des moteurs de calcul qui avaient été originellement pensés pour la performance énergétique, qu’il a bien fallu adapter. Ce qui explique pourquoi l’aéraulique est souvent le point faible dans certaines simulations ou pourquoi la 3CL, basée sur la RT 89 à l’origine, comporte des lacunes. En 2023, on ne raisonne plus uniquement en performance énergétique, l’éco-simulation doit aussi penser émissions de gaz à effet de serre, analyse du cycle de vie, confort d’été, qualité de l’air intérieur… Les besoins ont sacrément évolué.
Alors cette fois, on va éviter de se précipiter. « Il est temps de poser la plume de réfléchir à un nouveau moteur qui réponde aux nouveaux besoins », poursuit Julien Hans. Le projet Cible se donne 18 mois pour rendre sa copie. « On est reparti des choses qui ne marchaient pas. L’idée c’est de n’avoir aucune censure dans le cahier des charges, et de se brancher sur les besoins de demain. »
L’ambition évolue, la méthode de travail aussi. Plus question de tricoter la méthode de calcul dans son coin, tout le monde se retrouve autour de la table. « On essaye de travailler de façon collégiale. » Les anciens qui ont participé à l’élaboration des moteurs de calcul aujourd’hui utilisés, des thermiciens, des éditeurs de logiciels, des industriels, les pouvoirs publics, l’Ademe, l’association Effinergie, l’Alliance HQE-GBC… Le projet Cible, c’est d’abord un gros cahier des charges qui va repartir d’un état des lieux avec tout ce qui ne marche pas (ou plus) actuellement.
3CL, RT2012, RE 2020… « Des planètes différentes. »
Dans le projet Cible, l’interopérabilité apparaît forcément essentielle. Là aussi c’est un constat. Pourquoi une maison construite en RT2012 n’obtient pas toujours une étiquette vertueuse ? Pourquoi la TH-C-E ex et la 3CL, deux méthodes dans l’ancien, ne donnent pas les mêmes consommations énergétiques pour un même bien ? « Le temps faisant, il existait de moins en moins d’interopérabilité, reconnaît Julien Hans. La future méthode doit également fonctionner pour l’ancien, l’exploitation d’un bâtiment, le suivi de performance… » Interopérabilité entre les différentes méthodes de calcul, interopérabilité également avec le BIM.
Pour le moment, Cible reste encore en phase de conception. Dix-huit mois, cela nous emmène jusque fin 2024. Cible n’est d’ailleurs qu’un projet à proprement parler, la méthode de calcul qui découlera de ce cahier des charges n’a reçu pour le moment qu’un nom provisoire : Colibri, pour « Cœur libre des bâtiments résilients ».
Quand ce nouvel outil viendra-t-il se substituer aux actuels moteurs de calcul pour les outils DPE, audits et autre étude thermiques ? « Pas avant 2025-2026 », le temps de rédiger le cahier des charges, de mettre au point le logiciel, de la roder aussi. Cela prend du temps, mais on l’a dit, Cible veut justement éviter de répéter les erreurs du passé.
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