En pleine crise du logement, le sujet devient éminemment politique. Après la sortie de Bruno Le Maire, fin septembre, les Républicains s’engouffrent dans la brèche avec une proposition de loi pour décaler l’interdiction de location des passoires et relâcher la pression sur les propriétaires bailleurs.
Plus on s’approche de l’échéance, plus l’objectif s’éloigne. Impossible de tenir le calendrier, on le sait. La loi Climat et résilience à peine votée en août 2021, que les professionnels de l’immobilier dénonçaient déjà un calendrier intenable et non réaliste. Comment réussir cette rénovation dans des copropriétés où la moindre décision prend trois ans en moyenne ? Comment envisager des travaux alors que les outils destinés à promouvoir cette rénovation (DPE collectif ou PPT) entreront en service parfois après 2025 ?
La crise du logement rend l’interdiction de location des passoires énergétiques plus saillante encore. À un peu plus d’un an de la première échéance, 670.000 logements selon les chiffres officiels restent classés G et, en théorie, bientôt impropres à la location.
Donner du temps aux copros
La proposition de loi des Républicains est d’abord un coup de canif à la politique du gouvernement. « La crise actuelle est, en partie, le résultat d’erreurs stratégiques du président Emmanuel Macron, de ses gouvernements et de sa majorité, quant à la conduite de la politique du logement », lit-on dans l’exposé des motifs. Et cela vaut aussi pour la politique de rénovation dessinée par la loi Climat et résilience.
Le député Thibault Bazin (Meurthe-et-Moselle), porteur de la proposition, dénonce l’« entêtement » du Président de la République « à imposer un « diagnostic de performance énergétique » (DPE) contraignant tout en refusant de prendre en compte les contraintes financières, techniques (impossibilité de connaître à l’avance le niveau de performance atteint à l’issue des travaux) et pratiques (pénuries de matériaux et de main d’œuvre qualifiée) auxquelles sont confrontés les propriétaires ».
Le député Républicain propose donc de desserrer le calendrier. La proposition n’est pas nouvelle, elle avait déjà été formulée par les professionnels de l’immobilier désireux de laisser davantage de répit aux copropriétés engagés dans une démarche vertueuse de Plan pluriannuel de travaux (PPT). « L’adoption d’un plan pluriannuel de travaux permettant des économies d’énergie d’une performance suffisante entraine la suspension de l’indécence énergétique d’un logement individuel situé dans l’immeuble pendant la durée du PPT (10 ans) », explique l’exposé des motifs.
Cinq ans de sursis supplémentaire
La deuxième mesure consisterait ni plus ni moins à revoir totalement le calendrier et à reporter à 2030 l’interdiction des passoires en G, aujourd’hui programmée pour 2025. Cinq ans de répit, cela peut sembler généreux, l’auteur du texte justifie ce délai supplémentaire par la conjoncture actuelle. « Ce report apparait d’autant plus nécessaire que de fortes pénuries de matériaux et de main d’œuvre renforcent ces difficultés financières et que les objectifs en nombre de « rénovations globales » portés par le PLF 2024 ne permettront pas de rénover à temps toutes les passoires thermiques. »
Enfin, pour encourager les propriétaires à rénover durant ce sursis, la proposition de loi plaide pour un « crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la contribution à la rénovation énergétique de leurs logements ». Ce crédit bénéficierait à tous les propriétaires, occupants ou bailleurs.
Portée par le groupe Républicains, la proposition de loi a toutefois peu de chances d’aboutir. Jusqu’à présent, le gouvernement a toujours farouchement refusé tout aménagement du calendrier. Y compris lorsque cela émanait du ministre de l’Économie. Fin septembre, Bruno Le Maire avait en effet plaidé un report des échéances, dans un contexte désormais totalement différent de celui où avait été votée la loi Climat et résilience. Aussitôt rappelé à l’ordre, le ministre avait rétropédalé dès le lendemain. Impossible de toucher au calendrier, face à l’urgence climatique.
Pour se sortir de cette impasse, la ministre de la Transition écologique a d’ores et déjà annoncé des « dérogations ciblées et pragmatiques » pour les propriétaires de « bonne foi ». Une façon peut-être de reculer, tout en sauvant les apparences.
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