Mérule : le vendeur est condamné à verser plus de deux fois le prix de la maison

Infestation mérule

La mérule coûte cher. Très cher. Ses travaux d’éradication peuvent vite s’envoler et atteindre des montants astronomiques. Au point même de dépasser la valeur du bien. Pour une maison normande cédée quelques années plus tôt au prix de 167.000 euros, le vendeur se retrouve aujourd’hui à payer plus du double !

Le vendeur pensait sans doute avoir fait une bonne affaire. Il avait acheté la bâtisse normande en 2012 pour 85.000 euros. Il l’avait ensuite réhabilitée en habitation avant de la revendre quatre ans plus tard au double du prix. Belle plus-value, mais c’était sans compter la mérule.

Ventilation sous estimée, la mérule en profite

Le champignon est partout. À chacun des quatre niveaux de la maison, dans la cave, le salon, la cuisine, les chambres, la salle de bain, les combles… Partout, et depuis longtemps. La cave était infestée depuis des années, mais les travaux de rénovation effectués par le vendeur ont à l’évidence profité au champignon. « Il a commis une grave erreur d’exécution en sous-estimant le débit de renouvellement d’air dans le logement. En effet, c’est bien l’insuffisance du débit d’extraction de la VMC qui est à l’origine du développement à une vitesse exponentielle de ces champignons », explique l’expert, cité par l’arrêt de la cour d’appel de Rouen.

« Cette erreur conceptuelle est aggravée par la nature de la structure de l’immeuble et le revêtement en enduit ciment qui était existant. » Nous sommes dans le plus pur style normand, avec des murs à pans de bois enfermés. « Les conditions hygrométriques du bois sont alors idéales pour favoriser une prolifération mycélienne. »

Et la mérule ne s’en prive pas. Quelques années après les travaux, l’infestation a pris une telle ampleur qu’il faudra déposer tous les doublages, les planchers et les plafonds pour mettre à nu l’intégralité des murs et structures. Pas d’autre alternative, le champignon fragilise la construction et fait courir un risque d’effondrement. L’expert a considéré que la maison présentait un risque non négligeable pour la sécurité des habitants préconisant de ne plus l’occuper.

La rénovation plus chère qu’une démolition-reconstruction

Puisque la conception et la réalisation des travaux sont à l’origine du sinistre, la SCI voit donc sa responsabilité engagée. Le vendeur tente pourtant de renvoyer la balle à l’entreprise chargée des travaux placée en liquidation judiciaire. Pour l’expert, il est clair qu’au cours du chantier mené en 2013, des stigmates de l’infestation étaient visibles d’autant que les travaux de réhabilitation comportaient le renforcement de certains planchers. Mais puisque les deux sociétés ont le même gérant et qu’entre les deux, les mouvements comptables ne sont pas très clairs au cours de ce chantier, la cour d’appel retient la seule responsabilité de la SCI vendeuse.

L’addition est particulièrement salée. En première instance, le vendeur avait été condamné à verser 343.000 euros au titre des travaux de rénovation puisque « l’intégralité de la structure de l’immeuble doit être reprise ». C’est deux fois le prix de vente, plus cher encore qu’une démolition-reconstruction estimée à 280.000 euros.

La cour d’appel de Rouen confirme la condamnation et alourdit encore la facture. Comme il est impossible d’habiter la maison pour des raisons de sécurité et de santé, elle estime que la privation de jouissance est totale. L’indemnisation du préjudice de jouissance est donc revue à la hausse, le vendeur devra aussi verser plus de 57.000 euros à l’acquéreuse. En revanche, le préjudice moral est revu à la baisse, passant de 30.000 à 12.000 euros.

À ces sommes déjà coquettes, s’ajoutent encore l’indemnisation pour le relogement durant les douze mois de chantier (14.000 euros), les frais d’assistance technique (4.500 euros), les frais de procédure (6.000 euros)… Si on fait les comptes, le vendeur devra donc débourser près de 440.000 euros pour cette maison qu’il avait vendue… 167.000 euros en 2016.

Cour d’appel de Rouen, 5 avril 2023, n° 22/00202.

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