Il y a les estimations fournies par le DPE et il y a les consommations réelles des ménages. Entre les deux, un écart pas toujours bien compris des ménages. Justement parce que le diagnostic ne tient pas compte de leur comportement au sein du logement. Le Conseil d’analyse économique (CAE) chargé d’éclairer Matignon dans sa politique, observe cependant de gros écarts et pousse à une refonte pour améliorer le diagnostic.
C’est un peu comme la consommation de carburant annoncée par la fiche constructeur d’un véhicule. Cette consommation volontiers optimiste n’a souvent rien à voir avec la réalité. L’automobiliste le sait, tout dépend de sa conduite, des routes empruntées… Mais cet indicateur purement théorique n’en reste pas moins précieux, parce qu’il offre une comparaison entre plusieurs modèles de véhicules.
Le DPE fournit aussi une consommation théorique. C’est un choix des pouvoirs publics. Depuis la nouvelle formule en 2021, le comportement ménages a délibérément été écarté dans le calcul de la performance énergétique. Les consommations sont donc estimées pour une période d’occupation moyenne durant l’année, des données climatiques moyennes, une température de chauffe de 19°C, un confort thermique de 28°C en été, etc. Qu’une personne occupe son logement 7 jours sur 7 tout au long de l’année, se chauffe à 23°C, ou que l’hiver soit beaucoup plus rude et plus long que les autres années, pour le DPE cela ne change rien. C’est la performance énergétique du bâti qui est mesurée, peu importe qui l’occupe.
Une méthode qui traîne toujours des failles
Les faiblesses persistantes de la méthode sont une autre explication à l’écart entre les estimations du DPE et les consommations réelles. Rien de nouveau sous le soleil, on sait de longue date combien la surface influence la note DPE : plus le logement est petit, plus il a des chances de se retrouver étiqueté comme passoire thermique. « La méthode 3CL conduit à noter différemment deux logements aux caractéristiques semblables mais de superficie différente », relève les auteurs de l’étude. Pour y remédier, les fédérations du diagnostic ont proposé de glisser un coefficient de pondération dans la méthode de calcul afin que les petits appartement soient moins pénalisés. La correction devrait arriver en 2024.
L’algorithme du DPE a donc sa part de responsabilité, le facteur humain aussi. Le Conseil d’analyse économique relève « une trop grande subjectivité dans l’appréciation des paramètres ». D’un diagnostiqueur à l’autre, le classement n’est pas toujours le même puisque les données ne sont exactement renseignées de la même façon avec le même logiciel.
Bout à bout, ces explications finissent par creuser l’écart entre consommations réelles et théoriques. Un peu ? Beaucoup ? En s’appuyant à la fois sur la base Ademe des DPE et en extrayant les dépenses énergétiques des données bancaires des clients Crédit Mutuel Alliance Fédérale, le CAE apporte de nouvelles réponses.
Les consommations des passoires surestimées
Si l’on considère le DPE, les consommations en énergie primaire se trouvent divisées quasiment par six, lorsqu’on passe d’une étiquette G à une vertueuse classe A ou B. De quoi encourager à rénover son logement. Mais dans la vraie vie, le gain est pourtant loin d’être aussi phénoménal: passer d’une étiquette G à du AB, ne fait gagner « que » 86% sur la consommation en énergie primaire estime le CAE. C’est six fois moins que le DPE ne le laissait présager.
« Les consommations prédites du DPE sont inférieures aux consommations réelles pour les classes performantes (A à C) et supérieures dans les classes peu performantes (D à G) », poursuivent les auteurs de l’étude. « Si l’on considère que la mesure de la consommation réelle dans les données bancaires est juste, on peut donc affirmer que le DPE surestime la consommation des classes peu performantes (à partir de D). » En réalité, les passoires thermiques ne consomment pas autant que le DPE ne le laisse entendre, et à l’inverse, les logements AB ne sont pas aussi économes.
Pour expliquer ce résultat, les auteurs de l’étude mettent en avant le comportement des ménages. D’un côté, les propriétaires de passoires témoignent de sobriété et réduisent naturellement leur consommation. C’est un réflexe quasi pavlovien: si on sait que l’on consomme beaucoup, on se montre précautionneux. A l’inverse, les occupants d’un logement vertueux où le chauffage ne coûte pas cher ont tendance à moins faire attention et à rehausser leur niveau de confort. C’est ce qu’on appelle l’ « effet rebond » capable de grignoter les précieux gains apportés par une rénovation.
Selon le CAE, « l’ajustement comportemental explique une part prépondérante de l’écart soit les 2/3, le 1/3 restant étant lié à l’erreur de modélisation de la consommation théorique du DPE ». Le problème, c’est que toutes les politiques publiques sont aujourd’hui guidées par le DPE. Or les gains sur la facture que laissent entrevoir la rénovation énergétique sont loin de se vérifier. Les auteurs plaident donc pour une refonte du diagnostic. Pour mieux cerner les économies d’énergie réalisées grâce à la rénovation, il leur semble indispensable de « chercher des pistes d’amélioration et d’homogénéisation du DPE pour en faire un indicateur plus fiable de la qualité énergétique des logements ». « En effet, si la rénovation permet d’améliorer la qualité énergétique des bâtiments, avec des bénéfices importants en termes de confort énergétique et de santé, la réduction des émissions de gaz à effet de serre associées dépend étroitement de la façon dont les ménages ajustent leur consommation à la suite des rénovations. »
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