Officiellement, le nouveau DPE a été corrigé, tout doit rentrer dans l’ordre à partir du 1er novembre. En théorie… Christian Cardonnel, consultant en efficience énergétique et environnementale du bâtiment, connaît bien la méthode 3CL dont il suit les évolutions depuis quinze ans. Dès 2019, il avait d’ailleurs alerté les pouvoirs publics sur les carences de la nouvelle méthode et son manque de préparation. Si de grosses imperfections sont désormais corrigées, il demeure des bugs qui risquent d’entacher encore l’estimation des consommations, même après novembre.
Selon vous, la nouvelle méthode corrigée garantit-elle désormais un DPE sans faille ?
Christian Cardonnel : “Globalement, cette méthode 3CL ne fonctionnait pas trop mal, mais on a touché à tout. Ce qui devait être un simple toilettage au début de la réforme est devenu une refonte en profondeur mal maîtrisée, et pour laquelle le ministère n’a sans doute pas consacré le budget nécessaire.
Bien sûr, l’arrêté a corrigé quelques grosses boulettes. Je pense en particulier à l’isolation des murs extérieurs qui lorsqu’elle n’était pas identifiée faisait exploser les déperditions avec un coefficient U à 2,5. La méthode corrigée autorise désormais une approche plus fine de ce coefficient. Les pouvoirs publics ont aussi revu le coefficient pour la ventilation naturelle dans les bâtiments d’avant 1975, ou les tarifs de l’énergie pour lesquels il existait une importante dérive.
Si je devais prendre une image, je dirais que nous avons aujourd’hui colmaté les fuites du radiateur, qu’on a corrigé les problèmes de carburation du moteur. Oui, la voiture avancera sans doute mieux qu’auparavant, mais elle n’est toujours pas sûre et au moindre virage, ce manque de fiabilité risque de se faire ressentir.”
Quels dysfonctionnements identifiez-vous aujourd’hui dans la méthode ?
C. C. : “Selon moi, le problème de fond n’a toujours pas été traité. A son origine, la méthode a été construite en partie sur la RT 1982 et la RT 1989, donc sans intégrer toutes les solutions techniques que nous connaissons aujourd’hui. Des impasses demeurent, en particulier sur les apports solaires et les apports gratuits qui restent sous-estimés. A l’inverse, nous remarquons une approche “ceinture et bretelles” pour le calcul des déperditions par les parois et trop simplifiée pour la ventilation.
Pour faire simple, nous avons des apports sous-estimés, et des déperditions au contraire sur estimées. Logiquement, la méthode 3CL va donc donner des besoins de chauffage plus importants. Ajoutons à cela des calculs des pertes de gestion obsolètes, nous aboutissons à des consommations plus élevées que la réalité et des étiquettes dégradées.”
1975, une limite discutable
Le diagnostiqueur risque donc d’être encore confronté à des incohérences après le 1er novembre…
C. C. : “C’est à craindre. Globalement, même si l’arrêté du 8 octobre améliore la méthode, les consommations restent plus élevées que la réalité. En outre, des bugs demeurent et nous ne sommes pas à l’abri de découvrir de nouvelles incohérences. En particulier, lorsque la méthode sera utilisée dans l’ancien rénové, car il existe une réelle difficulté à intégrer les produits mis en œuvre.
Aujourd’hui encore, les éditeurs de logiciels remontent de nouveaux bugs et le moteur de calcul continue d’évoluer quasiment chaque semaine. Depuis mai, une vingtaine de versions différentes a déjà vu le jour. Et nous ne sommes pas encore au bout, depuis la parution de l’arrêté mi-octobre de nouvelles modifications sont encore intervenues. C’est pour cette raison que la validation des logiciels a encore été reculée au 31 mars, avec tous les problèmes juridiques que cela sous-entend, alors que l’audit énergétique arrive dès le 1er janvier 2022. D’ailleurs, pour officialiser toutes les modifications apportées à la méthode, le ministère a d’ores et déjà annoncé un nouvel arrêté modificatif pour 2022, pas avant le printemps je pense.”
Ce risque ne vaut cependant que pour les biens d’avant 1975…
C. C. : “Cette date de 1975 est motivée par l’apparition de la première RT et un recours moins important à la ventilation naturelle dont on a vu qu’elle pénalisait lourdement le calcul des consommations. Cette limite ne me semble pas vraiment pertinente, et si on veut aller jusqu’au bout, les DPE dans les biens d’après 1975 mériteraient aussi d’être refaits. Y compris pour des logements très récents.
A titre d’exemple, nous avons réalisé des comparatifs entre le calcul RT2005 et le DPE : en utilisant les mêmes données, nous aboutissons à des consommations totalement différentes. Le même problème risque de se poser pour les biens construits selon la RT 2012 lorsque le DPE donner des consommations énergétiques surévaluées et une étiquette D voire E.”
Et concernant le DPE collectif ?
C. C. : “Clairement, le nouveau DPE ne fonctionne pas pour un immeuble collectif. Et selon moi, il reste un travail énorme à accomplir. Le sujet n’est pas traité aujourd’hui, la priorité est donnée au logement individuel, mais une première réunion est prévue le 9 novembre. Personnellement, même si le ministère espère avancer rapidement, je ne pense pas que l’on aboutisse à quelque chose de fiable pour le DPE à l’immeuble, avant 2022.”
Bonjour,
Pour raisonner simple et avoir du factuel
A-t-on un comparatif de factures reelles , maison bien habitée (et nb de personnes) et le calcul DPE avant modification du logiciel (06/2021) et apres la modification ?
Ou peut-on trouver ce tableau comparatif ?
Un truc simple pour quelques maisons.
Merci pour votre travail