Le nouveau DPE mène-t-il vers une crise du logement ?

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Nous avions déjà évoqué en début d’année les premiers effets du nouveau DPE sur le marché de l’immobilier. À mesure que les échéances réglementaires approchent, les tendances observées semblent bel et bien se confirmer. Selon une nouvelle étude publiée par la plateforme ImmoPop, le marché de l’immobilier risque de se retrouver fortement impacté par la nouvelle réglementation énergétique. À en croire les auteurs de l’enquête, une crise du logement se profilerait à l’horizon.

La réforme du DPE en vigueur depuis juillet 2021 se voulait pourtant vertueuse. Avec sa méthode de calcul revue, corrigée et harmonisée, le diagnostic pouvait enfin servir d’outil de rénovation énergétique pour progressivement se débarrasser des passoires thermiques. Aujourd’hui, il apparait de plus en plus clairement que les différentes mesures risquent finalement de ne pas avoir l’effet escompté.

Si le nouveau DPE semble désormais bien identifié (« 8 personnes sur 10 savent qu’un nouveau DPE a vu le jour en juillet 2021 »), l’étude met aussi en lumière le faible intérêt pour la rénovation énergétique. En effet, les logements mal classés et nécessitant donc des travaux de rénovation, éprouvent des difficultés à trouver preneurs. Les acheteurs ne souhaitent pas « engager de lourds travaux de rénovation énergétique » (6 personnes sur 10), et les deux tiers « rejettent l’idée de perdre des m² à cause d’une isolation intérieure ».

Une réelle scission du marché immobilier

Résultat, une réelle scission du marché commence à s’opérer si on en croit ImmoPop. Les acquéreurs se tournent vers des biens dotés d’une bonne étiquette énergétique pour lesquels aucun surcoût de travaux n’est à craindre, pendant que les moins bien classés se retrouvent moins convoités et parfois même isolés du marché. Cela s’avère pour le moins gênant quand le but de la manœuvre était justement de pousser à la rénovation énergétique.

Ces comportements risquent donc inévitablement d’avoir une incidence sur le marché, voire même d’engendrer une véritable crise du logement selon ImmoPop. Pour l’auteur de l’étude, à l’achat « un marché d’exception risque de s’installer dans certaines zones tendues ». Autrement dit, les prix des biens bénéficiant d’une étiquette énergétique généreuse pourraient augmenter considérablement.

Le marché de l’investissement locatif pourrait lui aussi être touché. Le coût des travaux risque de faire baisser la rentabilité pour leurs propriétaires et de dissuader de potentiels acheteurs, pour lesquels acquérir un bien locatif ne s’avèrerait plus très intéressant avec les exigences de rénovation.

Les propriétaires bailleurs d’une passoire énergétique risquent de se trouver dans une situation délicate. Avec parfois un choix cornélien: mieux vaut-il vendre un logement mal classé, quitte à casser le prix? Ou mieux vaut-il se résoudre à des travaux onéreux, ce qui poserait toujours le problème de la rentabilité de l’opération? Une troisième alternative se dessine, beaucoup de propriétaires pourraient aussi garder le bien vide sans le louer. Autant dire que cette solution n’avantagerait ni les bailleurs qui se privent d’une source de revenus, ni les potentiels locataires qui verraient ainsi l’offre locative se restreindre.

Les rénovations globales, trop rares

Pour ImmoPop, il est donc clair que le calendrier de rénovation énergétique voulu par la loi Climat et résilience est voué à l’échec. L’étude avance deux chiffres pour illustrer ce qui a péché dans la stratégie des pouvoirs publics.

Le premier est 8%, soit la part des rénovations globales parmi les travaux financés par MaPrimeRénov’. La prime de transition énergétique sert d’abord à financer des travaux monogestes avec un gain de performance énergétique pas toujours évident. En mars, un rapport de la Cour des comptes soulignait le manque d’efficacité de MaPrimeRénov’ pour éradiquer les passoires énergétiques.

En matière de financements, le fait “qu’1 personne sur 4 déclare connaître l’existence d’aides financières” illustre également un manque d’information flagrant. Là aussi, de nombreux rapports ont souligné, par le passé, la nécessité d’accompagner les ménages pour les aider à se retrouver dans le maquis des aides financières.

Le second chiffre mis en avant par ImmoPop correspond au nombre de professionnels de la rénovation. On en compte aujourd’hui 1,9 million, mais il serait nécessaire de doubler les effectifs afin de mener à bien la rénovation énergétique selon le Rapport d’information parlementaire par la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, publié en février 2021.

Face aux différents écueils qui menacent l’indispensable rénovation énergétique, la plateforme immobilier soumet également quelques propositions comme “une grande simplification en matière d’organismes et d’aides diverses et variées” ou une nouvelle politique énergétique basée “sur l’adhésion plutôt que sur la répression”. Elle suggère notamment la libération du marché des qualifications des entreprises habilitées à entreprendre des travaux de rénovation “sous la surveillance de référents régionaux publics ou privés”, à la fois car ces professionnels sont trop peu nombreux, mais aussi car les labels n’empêcheraient pas certaines entreprises d’être “incompétentes, voire malhonnêtes”.

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