Les déchets amiante restent un casse-tête. Jusqu’à présent, l’énorme majorité des matériaux et produits amiante extraits du bâtiment finit sous terre. On sait pourtant rendre cet amiante totalement inoffensif, des solutions d’inertage existent déjà, d’autres émergent. La loi Agec de 2020 invitait à réfléchir et à encourager ces alternatives. Le gouvernement a rendu sa copie, bilan, il est encore trop tôt, les solutions d’inertage restent souvent au stade du projet, et doivent encore faire leurs preuves.
Les chiffres manquent singulièrement de précision. Les auteurs du rapport estiment que chaque année 300.000 à 600.000 tonnes de déchets amiante doivent être traitées. L’énorme majorité est aujourd’hui enfouie, en installation de stockage de déchets dangereux (ISDD) voire non dangereux (ISDND) lorsqu’il s’agit par exemple de terres.
La solution apparaît toutefois de moins en moins satisfaisante. Les riverains se mobilisent contre l’ouverture de nouvelles installations comme à Niederbronn dans les Vosges, les producteurs de déchets craignent d’être aussi inquiétés dans l’avenir puisque cet enfouissement ne les dégage pas de leur responsabilité.
Promesses pour l’avenir
Des alternatives existent pourtant. Dans les Landes, Inertam (groupe Europlasma) pratique l’inertage de l’amiante depuis plus de 20 ans. Le principe est simple, à l’aide d’une puissante torche à plasma, le déchet est chauffé à 1.500 degrés, température à laquelle même l’amiante ne résiste pas. Ô miracle, une fois sorti du four, le déchet dangereux est vitrifié et totalement inoffensif.
Longtemps considéré comme l’unique alternative à l’enfouissement de l’amiante, Inertam voit aujourd’hui surgir d’autres solutions concurrentes. Le rapport en mentionne quatre: Valame dans les Hauts-de-France, Neutramiante dans l’Est, la Somez dans le Sud, ou le projet DHYVA à Limoges. Les procédés se distinguent d’Inertam, puisqu’ils proposent souvent de conjuguer un traitement chimique et un traitement thermique, pour éviter de chauffer l’amiante à des températures extrêmes.
Valame annonce des sites fixes dès 2024 capables de traiter 15.000 tonnes et même des unités mobiles pour intervenir à proximité des gros chantiers de désamiantage. Neutramiante associé à De Dietrich promet un pilote dès 2022, et des usines permettant aussi de d’éradiquer 15.000 tonnes d’amiante dans l’avenir, avec même des possibilités de recyclage. La Somez avec son projet Mégamiante réfléchit également à une unité pilote pour 2022. Enfin, le projet DHYVA porté par Colas annonce “un démonstrateur permettant de traiter plusieurs kilogrammes de déchets d’amiante-ciment” pour 2022, et promet, à terme, “des unités de traitement de plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an”.
Effervescence sans frontières
La problématique des déchets amiante dépasse nos frontières, ailleurs aussi, on réfléchit à une manière de s’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Le rapport de CGED (Conseil général de l’environnement et du développement durable) et du CGE (Conseil général de l’économie) évoque ainsi les procédés Ari, ou thermal recycling, tous deux développés au Royaume-Uni. Sans doute prometteurs, mais là aussi, au stade de projets. Le rapport retient aussi d’autres idées comme l’utilisation des fours de cimenterie pour détruire l’amiante, ou l’utilisation de procédés bio-chimiques.
Oui, la multiplication des projets en France comme à l’étranger témoigne d’une véritable effervescence. Neutramiante, Valame, la Somez et autres sont porteurs de promesses et laissent espérer l’émergence d’alternatives au tout enfouissement. Mais il faudra encore se monter patient pour qu’une véritable filière de l’inertage voit le jour. “L’émergence de nouveaux procédés industriels de traitement des déchets d’amiante nécessitera plusieurs années, compte tenu des calendriers de construction des prototypes annoncés et des délais nécessaires à la mise en place des unités industrielles. Il est impossible aujourd’hui d’assurer que les procédés en développement, du fait de résultats probants obtenus en laboratoire, seront viables industriellement.”
L’enfouissement, en attendant
Moralité, l’enfouissement des déchets amiante a sans doute encore de beaux jours devant lui. Ce qui n’empêche pas les auteurs du rapport d’effectuer des recommandations en matière de déchets. Le rapport préconise ainsi de travailler le maillage des sites accueillant les déchets amiante, puisque beaucoup de départements en restent dépourvus. “Faute de solution satisfaisante pour les particuliers et les artisans, une partie des déchets n’est pas collectée et se retrouve en décharge sauvage”.
La REP (Responsabilité élargie des producteurs) étendue au bâtiment, et englobant l’amiante devrait toutefois améliorer la situation. “Elle facilitera grandement leur prise en charge, en particulier s’agissant des dépôts des particuliers et des artisans.”
Quant à en finir une bonne fois pour toutes avec l’amiante, l’idée n’est pas abandonnée, loin s’en faut. Les auteurs du rapport recommandent d’ailleurs d’initier une feuille de route dans les années à venir, et invitent d’ores et déjà les pouvoirs publics à réfléchir pour qualifier ces entreprises d’inertage ou promouvoir ces solutions alternatives. Car si celles-ci se révèlent à l’évidence plus durables, elles seront aussi plus coûteuses que l’enfouissement.
Les déchets amiante en trois chiffres
300.000 à 600.000 tonnes par an. C’est l’estimation des déchets amiante produits chaque année en France par les filières bâtiment et travaux publics. Le rapport reconnaît une méconnaissance sur la quantité des déchets produits aujourd’hui en France. D’autant qu’“une quantité mal appréciée se retrouve dans des décharges sauvages”.
185 millions d’euros. C’est l’estimation du coût annuel du traitement des déchets amiante, pour la seule filière bâtiment, selon l’étude d’impact de la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire).
6.000 à 8.000 tonnes. C’est le tonnage de déchets amiante vitrifiés chaque année par Inertam, seule alternative à l’enfouissement aujourd’hui reconnue. Autrement dit, 98% des déchets amiante sont actuellement enfouis. Cette capacité devrait augmenter dans le futur, avec une capacité d’inertage portée à 15.000 tonnes par Inertam, et l’émergence de nouveaux acteurs.
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