L’amiante se cachait au grenier, le diagnostiqueur ne l’a pas vu car il n’a pas visité cette partie de la maison: combles inaccessibles, selon le rapport. L’opérateur pensait sans doute être à l’abri. Erreur. La cour d’appel de Nîmes vient de le condamner à prendre en charge une bonne partie du désamiantage.
À l’origine, les acquéreurs se plaignaient de divers désordres dans la toiture. Petit souci dont ils ne tarderont pas à s’apercevoir, la présence d’amiante rend tous travaux forcément délicats. Du coup, le diagnostiqueur et son assureur se retrouvent aussi devant les tribunaux. L’amiante était bien visible depuis les combles, mais le diagnostiqueur n’a pu y accéder comme il l’a précisé dans son rapport.
Du côté des propriétaires, on estime “que la responsabilité du diagnostiqueur est engagée dès lors que la détection d’amiante pouvait s’effectuer sans travaux destructifs, le diagnostiqueur ne devant pas se limiter à un simple contrôle visuel”. Bref, “il aurait dû demander au (vendeur) de démonter la trappe”. Côté diagnostiqueur, aucune faute n’a été commise “puisque les combles étaient effectivement inaccessibles”. La question est donc de savoir si une trappe vissée dans le plafond est suffisante pour déclarer que les combles étaient inaccessibles.
Vis non cachées
Dans son arrêt, la cour d’appel de Nîmes retient cependant la faute du diagnostiqueur. S’appuyant sur les conclusions de l’expert, elle estime que “l’accès aux combles par la trappe ne nécessitait pas de travaux destructifs”. “En l’espèce, le diagnostiqueur s’est borné à mentionner “combles inaccessibles” sans préciser la nature de l’obstacle l’empêchant d’accéder aux combles et sans vérifier si un simple dévissage des vis tenant la trappe suffisait à en permettre l’accès.”
La cour d’appel cite ainsi l’arrêté du 12 décembre 2012 qui encadre le repérage liste B: “Lorsque, dans des cas qui doivent être précisément justifiés, certains locaux ne sont pas accessibles, l’opérateur de repérage émet les réserves correspondantes et préconise les investigations complémentaires qui devront être réalisés”. Il n’a pas justifié de la non-accessibilité, il a donc commis une faute.
Dans cette affaire, la défense du diagnostiqueur semble d’autant plus fragilisée que la cour d’appel lui reproche d’avoir manqué également à son devoir de conseil. “Il aurait dû être alerté par la présence de l’amiante dans les PST (plaques sous tuiles, ndlr) du puits qu’il a mentionné, ce qui laissait supposer la présence d’amiante dans la toiture et aurait dû le conduire à poursuivre ses investigations en demandant au propriétaire de procéder au démontage de la trappe et à tout le moins à consigner dans son rapport ses doutes quant à la présence d’amiante dans les combles, au titre de son obligation de son conseil.”
Parce que les propriétaires doivent vivre à proximité de matériaux amiante, la cour d’appel estime que le préjudice d’anxiété est “indéniable”. Peu importe que cet amiante “incorporé aux composants inertes de l’immeuble ne présente aucun danger pour la santé sauf agression mécanique”. Le diagnostiqueur et son assureur sont donc condamnés à indemniser les propriétaires à hauteur de 2.500 euros au titre du préjudice d’anxiété. Ils écopent également d’une condamnation de 10.000 euros correspondant à 70% du montant du désamiantage. Plutôt que la réparation intégrale du préjudice comme on l’observe souvent en matière d’amiante, la cour d’appel retient ici la perte de chance: si les acquéreurs avaient été correctement informés de la présence d’amiante, ils n’auraient peut-être pas acheté le bien, ou du moins en auraient-il négocié le prix.
Cour d’appel de Nîmes, 2e chambre section a, 28 juillet 2022, n° 20-02533.
Jugement qui serait retoqué en cassation au niveau de la condamnation, le désamiantage n’étant aucunement obligatoire. Qqfois je me demande si les juges des Cours d’appel lisent les jurisprudences en cassation … ?