Des réformes qui n’en finissent jamais, des dispositifs pas toujours lisibles, une coordination insuffisante et pour couronner le tout, une efficacité loin d’être prouvée. Dans une note publiée le 28 octobre, la Cour des comptes égratigne sévèrement la politique de rénovation énergétique. Elle relève “une cohérence insuffisante” dans les actions engagées et appelle à “rationaliser rapidement”. Un diagnostic partagé par Matignon qui promet les réformes nécessaires pour relever ces enjeux.
Ce n’est pas la première fois que la Cour de compte vient chatouiller le gouvernement sur ce sujet devenu ô combien sensible de la rénovation énergétique. Fin 2021, la haute juridiction financière avait déjà émis quelques sérieuses réserves sur l’efficacité de MaPrimeRénov’. Cette fois, il s’agit d’un simple courrier de six pages adressé en juillet à Élisabeth Borne. Même si on parle de “note” plus que d’une réelle évaluation de la politique du gouvernement, on y retrouve l’essentiel des critiques formulées à l’encontre des dispositifs de rénovation énergétique.
Manque de lisibilité à tous les étages
La Cour des comptes pointe d’abord du doigt un manque de cohérence entre les quatre piliers de la politique de rénovation: le déploiement de référentiels de performance énergétique du type DPE, la constitution d’une filière professionnelle avec le label RGE (Reconnu garant de l’environnement), la création d’un service public de la rénovation énergétique, ou le déploiement d’outils pour inciter ou obliger les propriétaires à rénover leur bien. Verdict sans appel: “La Cour constate une cohérence insuffisante dans l’articulation de ces différents axes et entre les différents objectifs opérationnels poursuivis”. Les différents dispositifs ont en effet connu des “réformes fréquentes” qui partaient sans doute d’un bon sentiment, mais qui “ont nui à leur lisibilité”.
En fait, ce manque de cohérence transparaît à tous les étages. Jusque dans “la notion même de rénovation énergétique (qui) reste imprécise”, selon Pierre Moscovici, premier président de la Cour, ou dans la politique de rénovation énergétique “par ailleurs mal définie”. D’un dispositif à l’autre, les gestes de rénovation ne sont pas forcément les mêmes, et les enjeux de santé et de confort sont parfois (souvent) négligés.
La Cour des comptes reprend à son compte une critique souvent formulée par les professionnels à l’encontre de cette rénovation thermique mono-thématique : “les effets des gestes d’isolation sur la santé des habitants pour le confort notamment acoustique du logement ne sont pas pris en compte”. “Cette politique doit également être cohérente avec d’autres politiques publiques telles que la rénovation urbaine et la prévention des risques naturels.”
La Cour des comptes recommande donc au gouvernement de “clarifier les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique en simplifiant la description des gestes de rénovation concernés et en précisant les règles de cumul”.
Matignon promet des “efforts de simplification”
Une des explications à ce manque de cohérence est aussi à rechercher dans la diversité des acteurs. Entre la DHUP, la DGEC, la Caisse des dépôts, l’Anah, la Direction de l’immobilier de l’État, l’Ademe… ça fait beaucoup de monde. Mais il manque encore un pilote pour gouverner tous ces acteurs. “La coordination de toutes ces parties prenantes, auxquelles il faut ajouter notamment les entreprises du bâtiment, a été jusqu’à présent insuffisante.” Une mission interministérielle existe bien désormais depuis 2019, mais sans véritables moyens. La Cour des comptes recommande donc “un pilotage fort et efficace”.
Dans sa réponse également accessible en ligne, la Première ministre défend le bilan de ces dernières années avec des “efforts de simplification“, comme le rapprochement de MaPrimeRénov’ avec les aides de l’Anah opéré en 2021 ou la mise sur orbite de France Rénov’ avec ses 1.800 conseillers répartis sur 500 points conseils. C’est bien, mais le gouvernement doit faire mieux. Car la Cour des comptes relève une fois encore un manque de clarté dans les rôles et missions de ces différentes structures. “L’accompagnement des bénéficiaires des divers dispositifs apparaît encore complexe.”
Message reçu du côté de Matignon. Élisabeth Borne promet que son gouvernement travaillera “dès cette fin d’année pour aboutir en 2024 à un système encore plus simple, plus lisible, et qui incite davantage à la réalisation de rénovations énergétiques performantes et globales”. Une façon de répondre au passage à la Défenseure des droits qui courant octobre dénonçait de “graves dysfonctionnements” dans l’attribution de MaPrimeRénov’.
Une efficacité qui reste à démontrer
La Première ministre reconnaît par ailleurs la nécessité de s’assurer de l’efficacité des crédits alloués au chantier de la rénovation. La Cour des comptes qui estime la dépense publique annuelle “à plus de sept milliards d’euros en 2021 hors plan de relance” avait déjà adressé pareille critique au sujet de MaPrimeRénov’, fin 2021: malgré les deux milliards d’euros engloutis dans la prime de transition énergétique, seuls 2.500 logements avaient pu sortir de leur condition de “passoire énergétique”, loin, très loin, des ambitions gouvernementales.
Sans surprise, cette critique réapparait donc dans la récente note. “Le suivi de l’efficacité de la politique publique est limité, alors même que les engagements financiers publics sont élevés”. Là aussi, Matignon annonce donc quelques évolutions pour mieux mesurer l’efficience de la rénovation énergétique. Autrement dit, s’assurer que les travaux financés sur les deniers publics permettent bel et bien de consommer moins et de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Le gouvernement devrait ainsi s’appuyer sur le DPE réformé, “un outil fiable, peu coûteux, universel, et retraçant aussi bien l’impact carbone des logements que leur consommation énergétique”. Dès 2023, le diagnostic de performance énergétique devrait être intégré “dans la mesure de l’efficience des aides” et le gouvernement envisage d’autres pistes comme “sa prise en compte dans le calcul des aides (…) pour mieux cibler les logements les plus énergivores et encourager les rénovations plus ambitieuses”. De nouvelles réformes en perspective, pour davantage de simplicité, davantage d’efficacité et peut-être davantage de stabilité aussi. Car depuis quinze ans, on ne compte plus le nombre de dispositifs et de réformes imaginés par les gouvernements qui se sont succédé.
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