L’acquéreuse a déjà obtenu réparation auprès du vendeur, elle se retourne désormais contre le diagnostiqueur et le notaire. Nous sommes plus de dix ans avant que le DPE ne soit rendu opposable, mais l’opérateur qui s’était lourdement trompé dans son diagnostic devra quand même indemniser l’acquéreuse au titre de la perte de chance.
Dès 2016, le vendeur avait d’abord été condamné sur le fondement de la responsabilité décennale pour la réparation de divers désordres dans le bien. Entre autres, 27.740 euros à verser aux acquéreurs au titre du système de chauffage et d’isolation du bâtiment. Affaire close? Pas tout à fait. Dans une procédure distincte, l’acquéreuse poursuit désormais le diagnostiqueur et le notaire; le premier pour avoir rendu un diagnostic entaché d’erreurs, le second pour avoir manqué à son devoir de conseil. Nouveau jugement en 2020, le tribunal de Dax écarte la responsabilité du notaire, mais retient en revanche celle du diagnostiqueur qui écope alors de 15.000 euros à verser à titre de dommages et intérêts.
Trois classes d’écart
À l’évidence, le diagnostic compte de grossières erreurs. Certaines comme l’adresse ou la date erronées restent sans incidence; d’autres en revanche sont plus lourdes de conséquences. Dans son rapport, l’opérateur mentionne une pompe à chaleur quand il s’agit d’une climatisation réversible. “Le diagnostic critiqué, contient en lui-même des insuffisances manifestes, quant à la date, l’adresse et le mode de chauffage, qui suffisent à établir son caractère erroné”, relève la cour d’appel de Pau. L’arrêt n’entre pas dans le détail, mais le diagnostic compte vraisemblablement d’autres erreurs.
Car avec une étiquette B et (seulement) 89 kwEp/m²/an de consommation, l’opérateur s’est montré plus que généreux. Le bien est loin, très loin, d’être aussi vertueux que son rapport le prétend: un nouveau DPE réalisé dans le cadre de l’expertise judiciaire conclut à une classe E pour une consommation de 263,9 kwEp/m²/an.
Trois classes d’écart, une consommation trois fois supérieure, pour la cour d’appel, pas de doute, le diagnostiqueur a failli totalement à sa mission. “La nature du chauffage, son sous-dimensionnement par rapport à la taille de l’habitation et l’absence d’isolation, n’auraient pas dû échapper à un examen sérieux du diagnostiqueur.”
Le diagnostiqueur tenu à réparation
Pour le diagnostiqueur, la demande de l’acquéreuse est toutefois irrecevable puisque celle-ci a déjà obtenu en 2016 la condamnation du vendeur. Argument balayé par la cour d’appel. “Chaque co-auteur d’un même dommage est tenu à réparation”, selon l’arrêt. “S’il s’avérait que le vendeur et le diagnostiqueur ont contribué à la réalisation d’un même dommage, la condamnation pourra être prononcée in solidum avec celle précédemment prononcée contre le vendeur.” Même si la vente a été conclue en février 2012, dix ans avant que le DPE ne soit rendu opposable (1er juillet 2021), l’acquéreur “tiers à un contrat passé avec le diagnostiqueur peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage”.
Toutefois, puisque le DPE n’avait encore un qu’un caractère informatif à l’époque, “le dommage subi du fait de l’information erronée consiste uniquement dans la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente”. Dit autrement, l’acquéreur a perdu une occasion d’acheter le bien à un moindre coût. La cour d’appel évalue cette perte de chance à 60% des 27.740 euros nécessaires aux travaux à réaliser pour le système de chauffage et de l’isolation du bâtiment, selon l’expert. Soit quelque 16.700 euros que le diagnostiqueur devra verser à l’acquéreuse. Cette condamnation est en outre prononcée in solidum avec celle intervenue en 2016 à l’encontre du vendeur.
Le notaire échappe pour sa part à une condamnation, mais il n’est pas exempt de reproches. Car celui-ci “a fait preuve de négligence en annexant à l’acte de vente un DPE affecté d’erreurs matérielles manifestes”: il aurait dû voir que la date et l’adresse n’étaient pas bonnes. Mais puisque ces erreurs restent sans incidence sur la performance énergétique, sa responsabilité n’est pas retenue.
Cour d’appel de Pau, 15 novembre 2022, n° 20/01695.
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