Entre l’humidité, les moisissures, les pièces privées de chauffage, le logement apparaissait non décent. Il a pourtant été loué durant plusieurs années. Sa propriétaire est logiquement condamnée, mais aussi deux professionnels de l’immobilier qui sont intervenus soit pour la rédaction du bail soit pour la gestion locative.
Le caractère non décent du logement n’est pas discuté. Une expertise amiable a été réalisée, la cour d’appel estime que le logement ne répondait pas aux critères de décence “en raison de la présence d’humidité, et de l’absence d’isolation et de chauffage dans les deux chambres de l’étage”. Autre facteur de non-décence, un risque de saturnisme, puisqu’un diagnostic plomb a également conclu à des “concentrations supérieures aux seuils réglementaires”. Le logement ne pouvait donc être loué, la locataire peut prétendre à une indemnisation.
En première instance, seule la bailleresse a été condamnée: quelque 12.000 euros au titre des préjudices de jouissance et moral. Elle conteste cependant le jugement: les professionnels de l’immobilier qui sont intervenus dans la rédaction du bail, puis dans la gestion locative du logement ont leur part de responsabilité, car ils ont manqué à leur devoir de conseil.
Garants de la décence
“L’agent immobilier, rédacteur d’acte, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention, notamment celles (…) tenant à l’obligation du bailleur de délivrer un logement décent”, rappelle la cour d’appel. Et ça vaut aussi pour l’agent chargé d’une mission de gestion locative, qui tout au long du bail “doit veiller au respect continu de cette obligation et avertir son mandant des travaux utiles de mise en conformité”.
Les deux agences immobilières se défendent: la propriétaire était informée de “l’état de son bien par la mention dans l’état des lieux d’entrée de la présence d’humidité dans le logement”. L’état des lieux mentionnait ainsi des traces humidité “sur tous les murs du logement”. Elle était également informée des conséquences juridiques de la location d’un logement insalubre par une clause du bail rappelant ses obligations légales. Que la bailleresse connaisse l’état du bien “ne dispense pas l’agent immobilier d’exécuter ses obligations d’information et de conseil en vue de garantir l’efficacité juridique du contrat qu’il rédige”. Le premier professionnel intervenu dans la conclusion du bail est donc responsable.
Idem pour son confrère chargé ensuite de la gestion locative de 2016 à 2019 puisque la locataire l’avait alerté à deux reprises se plaignant de l’humidité du logement. “La société X alertée de désordres laissant suspecter des risques pour la sécurité physique et la santé des occupants, avait l’obligation de vérifier, le cas échéant par la réalisation de diagnostics, les conditions d’habitabilité du logement et de conseiller sa mandante quant aux démarches pertinentes à accomplir.”
La cour d’appel estime toutefois que “le préjudice en lien avec les fautes des agences ne peut être qu’une perte de chance de ne pas être condamnée à repérer le préjudice de la locataire, car il n’est pas certain que mieux informée et conseillée, (la bailleresse) n’aurait pas, quand même, pris la décision de conclure le bail puis de le maintenir.” Cette perte de chance est évaluée à 50%, les deux agences immobilières sont solidairement condamnées à verser 6.000 euros.
Cour d’appel d’Amiens, 27 septembre 2022, n°21-00089.
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