L’amiante ne se rencontre pas uniquement dans les bâtiments, il se retrouve aussi parfois dans le jardin, enfoui dans la terre ou masqué par la végétation. Cela ne change rien. Le vendeur est tenu d’en informer l’acquéreur, y compris quand il s’agit d’un dépôt d’amiante qui remonte à plusieurs décennies.
On ne s’embarrassait pas dans les années 1970. Que faire des tôles fibrociment amiante ? Elles resteront stockées décennies dans un coin du terrain, disparaissant au fil du temps sous la végétation. Après tout, à l’époque, l’amiante n’était pas encore considéré comme dangereux, et la conscience environnementale restait embryonnaire. Alors, les déchets de la construction demeuraient sur place et servaient souvent à alimenter les remblais.
Presque un demi-siècle plus tard, la propriétaire devenue octogénaire cède l’ensemble de ses parcelles immobilières pour un montant 162.000 euros. Nous sommes en 2018, le jeune couple acquéreur a l’intention d’y construire une maison.
L’amiante resurgit
Les premiers coups de pioche sont donnés, mais le chantier est vite stoppé: dans des remblais et en divers endroits du terrain, les acquéreurs découvrent de nombreux gravats, déchets et en particulier de vieilles plaques de fibrociment comportant de l’amiante. Apparemment, les tôles croupissent là depuis les années 1976-1978, lors de travaux menés par le défunt mari de la propriétaire. Et masquées par une végétation foisonnante, elles sont restées invisibles lors des visites préalables à la vente.
On parle donc de vice caché. Devant la justice, les acquéreurs réclament près de 162.000 euros -autant que le prix de vente- au titre de la dépollution du terrain et de sa remise en état. Pour eux, la venderesse n’ignorait pas l’existence de cette décharge et elle a clairement manqué à son obligation d’information.
L’ancienne propriétaire qui avait hérité du bien en 1973 plaide la bonne foi, rien ne montre qu’elle avait connaissance de cette pollution. Toutefois, une clause dans le contrat de vente stipule qu’ « en cas de vente, le vendeur reste devoir supporter le coût d’élimination des déchets, qu’ils soient les siens, ceux de ses locataires ou précédents propriétaires, pouvant le cas échéant se trouver sur le bien vendu. »
130.000 euros pour dépolluer le terrain
Pour la cour d’appel de Grenoble, cette clause est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle le propriétaire d’un terrain sur lequel ont été déposés des déchets peut être regardé comme le détenteur de ceux-ci. « Par voie de conséquence, le vendeur d’un immeuble sur lequel se trouvent des déchets (…) reste légalement tenu d’en assurer l’enlèvement et l’élimination ». Peu importe que la venderesse ait eu connaissance de ces dépôts ou non, « cette circonstance n’étant pas de nature à exonérer le détenteur de son obligation d’élimination des déchets ». Le diagnostiqueur ne peut pas non plus être mis en cause, puisque son repérage réalisé dans le cadre d’une vente se cantonne aux immeubles bâtis.
La cour d’appel confirme donc le jugement de première instance et condamne la venderesse. Le coût de la dépollution est cependant revu à la baisse mais l’ex-propriétaire octogénaire devra tout de même verser 130.000 euros pour la remise en état de la parcelle, ainsi que 4.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance et encore 1.800 euros correspondant au coût du diagnostic amiante mené sur le terrain.
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