Les copropriétés dégradées ont besoin de nouveaux outils financiers

Les gouvernements se cassent les dents sur la rénovation des copropriétés. Cette rénovation apparaît d’autant plus compliquée qu’une bonne part des copropriétés se trouve déjà fragilisée et parfois même carrément exsangue. Dans un rapport remis au ministre du Logement, jeudi, la Banque des territoires propose la création d’un nouveau prêt pour financer tous les travaux en copropriétés, “depuis la rénovation énergétique jusqu’aux travaux de solidification du bâti”.

Comment financer une coûteuse rénovation quand la copropriété n’a déjà plus les moyens d’entretenir son patrimoine ? Dans son rapport, la Caisse des dépôts dresse un état des lieux alarmant. Combien de copropriétés se trouvent aujourd’hui en fâcheuse posture ? Aucun chiffre, la Mission conduite par Kosta Kastrinidis, directeur des prêts de la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts, doit se contenter d’une estimation : 10.000 copropriétés en difficulté, suivies par les dispositifs mis en place, 80.000 dites « fragiles », c’est-à-dire avec des impayés supérieurs aux seuils d’alerte.

Plus d’une copropriété sur six, c’est déjà beaucoup, mais l’estimation est sans doute (bien) en dessous de la réalité. « Entre 200 et 300 000 petites copropriétés » ne sont toujours pas recensées dans le RNC (registre national des copropriétés), « dont une majorité peuvent être considérées comme fragiles ou en difficulté ».

La réno en copro : 9 milliards d’euros par an

Un casse-tête. Au-delà du temps de décision souvent long en copro, les finances ne suivent pas. « Le bouclage du plan de financement reste un frein notoire à la réalisation de ces projets », indique en préambule le rapport. Il y a la question du reste-à-charge (entre 10.000 et 20.000 euros, en moyenne par copropriétaire), mais aussi celle de l’avance à effectuer puisque les subventions n’interviennent qu’en fin de chantier. « Sans solution de financement du reste-à-charge, les copropriétaires ne votent pas les travaux. Et une fois votés, pour que ces travaux démarrent, il faut réunir tous les fonds correspondant au montant total des travaux. »

Des prêts pourraient bien entendu financer ce reste à charge et préfinancer les aides. Sauf qu’en matière de copro, l’offre apparaît à la fois restreinte, « complexe » et pas forcément adaptée de surcroît. Le prêt collectif à adhésion individuelle, privilégié par les corpos, « est aujourd’hui un marché de niche, dominé par un opérateur historique, la Caisse d’Epargne d’Ile de France du Groupe BPCE ». Sans compter que « près de 60% des copropriétés ne sont pas éligibles à ces prêts, réglementés ou non, en raison de leur profil de risque. »

Résultats, en 2022, moins de 300 millions d’euros ont ainsi été prêtés pour un volume total de travaux de 1,4 milliard d’euros. On est loin, très loin du compte. « Entre la nécessaire accélération du rythme d’entretien du parc et l’augmentation de l’ambition de ces rénovations pour intégrer les exigences de performance énergétique, on peut estimer à près de 9 Mds€ le volume annuel de travaux de rénovation à réaliser, et donc potentiellement à financer, au cours des prochaines années. »

Un prêt global et collectif pour lever le frein financier

L’accélération de la rénovation dans les copropriétés passe donc par de nouveaux outils. « Aujourd’hui marché de niche, le financement des copropriétés nécessite d’être massifié dans les prochaines années. » La Mission propose d’abord de dynamiser les outils existants, par exemple, le dispositif de préfinancement à taux zéro des aides par le réseau Procivis, en le ciblant sur les copropriétés suivies dans le cadre du Plan initiatives copropriétés (PIC).

À ces propositions qui ont surtout l’avantage d’être « rapidement déployables », la Banque des territoires préconise « la commercialisation d’un nouveau prêt qui pourrait concerner toutes les copropriétés, quelle que soit leur santé financière ». Directement inspiré du modèle belge, « ce nouveau prêt serait global, collectif, adossé aux lots et inclusif ».

Global, d’abord, parce que ce prêt couvrirait le préfinancement des aides et le financement du reste à charge, permettant de lever les écueils financiers et d’accélérer le lancement des travaux. « A l’image d’un prêt pour un promoteur, le prêt serait mobilisé au fur et à mesure de l’avancement des travaux et comporterait des facilités de remboursement anticipé pour tenir compte du versement des aides collectives. »

Ce prêt serait également collectif, proposé à tous les copropriétaires et voté en assemblée générale en même temps que les travaux, avec la faculté ou non pour chacun d’y participer. Ce prêt serait au lot, permettant ainsi sa transmission en cas de vente et enfin, ce prêt serait également inclusif, sans aucune adhésion individuelle, sans analyse des copropriétaires par le prêteur et avec une durée « la plus longue possible afin de minimiser les mensualités et les rendre absorbables par le plus grand nombre de copropriétaires ».  

Le Gouvernement semble accueillir favorablement cette proposition. Dans un communiqué, le ministère du Logement assure qu’il « étudiera rapidement la création d’un nouveau prêt pour les copropriétés, qui serait proposé par les banques aux syndicats des copropriétaires ». Il y a urgence, car nombre des passoires thermiques interdites bientôt à la location se trouvent justement en copropriété.

« Mission exploratoire sur le financement de la rénovation des copropriétés en difficulté », Banque des territoires, octobre 2023.

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