Lutte contre l’habitat indigne: les diagnostics peuvent jouer un rôle essentiel

L’étau se resserre. Ces dernières années, l’État a déjà renforcé l’arsenal pour éradiquer l’insalubrité dans le logement. Pas suffisant. Un nouveau rapport remis au ministre du Logement lundi, énumère 24 propositions pour doper la lutte contre l’habitat indigne. Notamment en renforçant le rôle des diagnostics immobiliers, avec un DTG obligatoire pour toutes les copropriétés ou un contrôle technique du logement.

Malgré un arsenal toujours mieux fourni, gouvernement après gouvernement, la lutte contre l’habitat indigne est loin d’être finie. En préambule, Michèle Lutz et Mathieu Hanotin, maires de Mulhouse et de Saint-Denis, les auteurs de ce rapport, reprennent deux chiffres: plus d’un million de personnes vivent encore dans 400.000 logements insalubres en France métropolitaine. Avec parfois des catastrophes, incendies, intoxications, effondrement qui surviennent.

Pour les deux élus locaux, l’État peut faire davantage en matière de suivi pour repérer cet habitat indigne en amont. « La majorité des signalements de situations de péril est réalisée trop tardivement, alors que les premiers signes externes ou les premiers accidents se sont déjà produits. » En s’appuyant sur des outils déjà existants, les diagnostics immobiliers ou le DTG (Diagnostic technique global), les auteurs du rapport veulent ainsi renforcer la détection de l’habitat indigne.

Démocratiser le DTG à toutes les copros

Certes, le DTG n’a rien de nouveau. Mais rendu obligatoire uniquement pour les mises en copro ou les copros sous le coup d’une procédure d’insalubrité, le DTG ne s’est pas démocratisé. L’outil pourrait pourtant se révéler autrement plus efficace dans la lutte contre l’habitat indigne. Les deux maires proposent donc d’étendre ce DTG à toutes les copropriétés. « Il est indispensable de responsabiliser les copropriétés à réaliser chacune en ce qui la concerne un diagnostic technique global et complet de la situation de son immeuble, malgré le coût supplémentaire engendré pour les propriétaires. »

Non seulement, ce diagnostic permettrait de renseigner la puissance publique sur l’état réel de l’immeuble, mais aussi d’informer les futurs acquéreurs. « Un nombre trop important de néo-accédants découvrent après l’achat l’état de dangerosité de leur immeuble. »

Un DTG ? Oui, mais pas forcément celui que l’on connaît aujourd’hui, très peu encadré par les textes. Les deux élus proposent de le « renforcer » en y ajoutant « un diagnostic structurel complet obligatoire », et un « diagnostic des équipements communs », le tout articulé avec le plan pluriannuel de travaux qui commence à émerger dans les copropriétés.

Pour s’assurer que cette obligation ne passe pas à la trappe, les deux élus envisagent aussi plusieurs garde-fous en conditionnant les autorisations d’urbanisme à la réalisation du DTG ou en permettant à la collectivité de « se substituer à l’obligation de diagnostic technique global en réalisant ce diagnostic d’office et aux frais de la copropriété ».

Pour lever le frein financier, notamment dans les petites copros où le coût d’un DTG à plusieurs milliers d’euros peut se révéler rédhibitoire, « cette obligation pourrait s’accompagner d’une aide de l’Anah et des collectivités locales, qui financent déjà ce type de diagnostics dans le cadre d’études pré-opérationnelles, étant entendu que le coût de ces diagnostics reste à évaluer et peut être élevé pour les copropriétés les plus fragiles ».

Les diagnostics fondus dans un « contrôle technique du logement » 

Pour aller plus loin en matière de diagnostic, les deux auteurs reprennent également la proposition portée par le député Guillaume Vuilletet depuis plusieurs années. Et si on simplifiait et compilait tous les diagnostics immobiliers existants en « un seul et unique contrôle technique du logement », enrichi d’un contrôle de la décence du logement ?

« Les diagnostics techniques actuellement obligatoires ne prennent pas en compte la notion de décence des logements ce qui complexifie l’information et peut porter à confusion voir mettre en difficulté les propriétaires et les locataires quant à la conformité ou non du logement », estiment les deux élus auteurs du rapport. Au contraire, « un diagnostic unique et complet » permettrait d’informer le propriétaire et le locataire « de manière exhaustive » de l’état du logement lors de la vente, de la mise en location ou relocation du logement. D’une pierre, deux coups, ce diagnostic faciliterait aussi l’instruction des autorisations préalables de mises en location des logements.

Quelle traduction sera faite de ce rapport? Patience. Lundi, le ministère du Logement indiquait qu’il présenterait « très prochainement » « les mesures concrètes que le Gouvernement souhaite mettre en place pour donner suite à ce rapport et accélérer la résorption de l’habitat indigne et dégradé ». Mais le gouvernement s’accorde sur « la nécessité de mieux prévenir les situations d’habitat dégradé, pour agir en anticipation, avant qu’il ne soit trop tard ». Une meilleure prévention qui passe par « une mobilisation de la chaîne des professionnels ayant connaissance de ces situations ou étant capables de les traiter ».

“Mission relative aux outils d’habitat et d’urbanisme à créer ou améliorer pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne”, octobre 2023.