Sur le papier, l’idée est forcément séduisante. Valoriser, recycler, réemployer un maximum des 46 millions de tonnes des déchets générés annuellement par le bâtiment. Vertueux et indispensable à l’aube du grand chantier de rénovation énergétique. Malheureusement, la REP lancée depuis mai patine et suscite « un fort mécontentement » selon la Fédération française du bâtiment.
C’est dans la mise en œuvre que ça coince. Après plusieurs reports, le gouvernement a tout de même lancé la REP (responsabilité élargie de producteurs) bâtiment en mai. Un an et demi de retard, mais pourtant le dispositif a été lancé un peu trop précipitamment pour certains.
Car si les écocontributions sont désormais encaissées pour les matériaux et produits vendus, en face, le service attendu n’est pas rendu. En théorie, en contrepartie de cette participation, les entreprises du bâtiment bénéficiaient d’une reprise gratuite de leurs déchets. Où qu’elles soient, quels que soient les déchets (même l’amiante !), du moment qu’ils sont triés. Autrement dit, les artisans achetaient, certes, un peu plus cher les matériaux et produits de construction, mais à la fin, ils s’y retrouvaient puisqu’ils n’avaient plus à payer pour la mise en déchetterie.
Cette belle mécanique est loin d’être cependant huilée. « La mise en place de la filière REP (Responsabilité Élargie du Producteur) dans le secteur, suscite un fort mécontentement des artisans et entrepreneurs de bâtiment, qui se transforme progressivement en un rejet massif du dispositif », explique la Fédération française du bâtiment dans un communiqué.
Payer pour un service non rendu
La Fédération déplore d’abord « la non-effectivité de la reprise sans frais ». « Les professionnels payent une écocontribution sans que le système de collecte ne commence à être véritablement opérationnel, particulièrement dans les zones rurales et pour les déchets non inertes. » A terme, la Rep prévoit que tout le monde dispose d’un point de collecte à 10km maxi de chez soi (20 km dans la campagne profonde) pour reprendre ses déchets gratuitement.
Forcément, développer un tel réseau même s’il reprend les points de collectes existants des collectivités, ça prend du temps. On comptait 500 points à travers la France au démarrage du dispositif, 2.500 sont annoncés pour la fin d’année, mais il faudra encore patienter pour un maillage serré. Si elle se dit consciente « de la nécessaire progressivité », la FFB fait tout de même pression pour « accélérer le déploiement du maillage » et pour développer la collecte sur les chantiers et en entreprises. Histoire que les entreprises du bâtiment ne payent plus cette éco-participation dans le vent.
D’autant que cette participation risque d’augmenter. C’est un autre motif de la « colère » de la FFB. Alors que l’année touche à sa fin, que les entreprises émettent des devis sur 2024, elles ne disposent pas de toutes les cartes. La fédération regrette ainsi « l’absence, accentuée par un contexte d’inflation et de crise historique du logement, de visibilité sur les montants des éco-contributions qui s’appliqueront sur les produits achetés pour les chantiers de 2024 et qui doivent être intégrés dès aujourd’hui dans les prix ». D’autant que cette contribution pourrait connaître une sévère inflation, avec un montant « multiplié par 3, 5 ou 10 l’an prochain ». La Fédération réclame donc un préavis « minimum » de neuf mois afin que les entreprises et les artisans puissent les intégrer dans leurs devis.
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