Le calendrier des interdictions de location sur la ligne de crête

On n’est pas loin de la cacophonie. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a parlé de simplification du DPE et de calendrier adapté. C’est vague, et cela ouvre aux interprétations diverses et variées. Depuis une semaine, ses ministres assurent le SAV, aucun report à l’horizon, on ne touche pas au calendrier des interdictions de locations, même si des assouplissements ne sont pas exclus.

Une petite phrase noyée dans un long discours, il n’en fallait pas plus. Pour tous ceux qui jugeaient le calendrier intenable, le pragmatisme l’a enfin emporté. Le « calendrier adapté » de Michel Barnier dans sa déclaration de politique générale ne pouvait signifier autre chose qu’un report des interdictions de location. Les propriétaires de logement G peuvent souffler, plus question de se précipiter pour effectuer des travaux de rénovation.

La vérité du jour n’est pas celle du lendemain. Sur le salon Batimat, Valérie Létard, la nouvelle ministre du Logement, a précisé la pensée du Premier ministre. Non, le gouvernement ne va pas « remettre en question tout le calendrier ». « Hors de question de tout jeter à la poubelle. » Alors statu quo ? La ministre appelle aussi à davantage de pragmatisme et à entendre « les difficultés sur certains aspects ».

Exemple maintes fois évoqué depuis des années, celui des copropriétés où le temps de décision s’accommode mal du calendrier de travaux voulu par la loi Climat et résilience. L’échéancier apparaît d’autant plus inadapté que les outils comme le Plan pluriannuel de travaux (PPT), le DPE collectif ou même le fonds de travaux qui ont vocation justement à encourager les travaux en copropriété, restent en cours de déploiement.

Le pragmatisme aux commandes

Même son de cloche, dimanche. Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique se trouvait sur le plateau de France 3, dans l’émission « Dimanche en politique ». La ministre n’évoque aucun report, mais quelques aménagements au calendrier pourront être concédés, notamment pour les copropriétés, puisqu’« il faut faire preuve de pragmatisme et de bon sens ». « Lorsque quelqu’un a sincèrement essayé de faire les travaux, il faut prendre en compte le fait que ça peut prendre du temps dans une copropriété d’obtenir l’autorisation et nous avons en parallèle un enjeu avec des gens qui ont du mal à se loger. »

Retour à la case départ. Le gouvernement précédent avait déjà effectué quelques annonces en début d’année, et même tenté de glisser des amendements dans la loi Habitat dégradé du printemps dernier. Les amendements ont été retoqués, et la proposition de loi déposée en mai par le camp présidentiel, n’a pas eu le temps d’être examinée.

Une interdiction uniquement en cas de relocation

L’horloge tourne pourtant. Dans l’état actuel des textes, entre 500.000 et 600.000 logements du parc locatif classés G sont menacés d’indécence énergétique dans moins de trois mois. Ce qui reviendrait à les exclure du parc locatif. En pleine crise du logement, ce serait du plus mauvais goût. Dimanche, Agnès Pannier-Runacher se voulait rassurante : l’interdiction de louer une passoire en G ne sera applicable qu’en cas de changement de locataire de sorte que seraient concernés seulement « quelques dizaines de milliers de logements et pas des chiffres faramineux comme j’ai entendus ».

Le précédent gouvernement avait déjà fait pareille annonce en début d’année. Circonscrire la décence énergétique juste aux nouveaux baux suppose toutefois de retoucher au calendrier gravé dans le marbre de la loi Climat et résilience. Un vrai numéro d’équilibriste. Il faudra faire preuve de pragmatisme, desserrer l’étau, sans donner l’impression de rétropédaler, sans envoyer un mauvais signal aux bailleurs. Car qu’on le veuille ou non, la rénovation énergétique semble enfin lancée. Même si elle demeure en deçà des objectifs gouvernementaux, une dynamique s’est enclenchée. Enfin.

Le souci, c’est que pour assouplir la loi Climat et résilience, il va falloir passer par l’Assemblée nationale. Et donc trouver une majorité entre ceux qui réclament la suppression du calendrier, ceux qui veulent un report, ceux qui sont prêts à concéder quelques assouplissements ou ceux qui refusent tout pas en arrière. Un vrai chemin de crête.

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