Le marché ultra-porteur des services d’efficacité énergétiques


Vincent Chamouleau est chargé d’études au sein de Xerfi Precepta, spécialisé dans les études sectorielles. Il est l’auteur d’une étude publiée en décembre et dédiée à la transformation du marché des services d’efficacité énergétique, où il évoque notamment les perspectives à l’horizon 2025.


Pourquoi les acteurs des services d’efficacité énergétique bénéficient-ils d’un alignement des planètes sans précédent ? 

“Les services d’efficacité énergétique (SEE) constituent à l’évidence un marché ultra-porteur en France. Entre les tensions sur les prix de l’électricité et du gaz, les tours de vis réglementaires pour atteindre la neutralité carbone et les aides publiques en faveur de la transition écologique, industriels comme propriétaires fonciers se voient en effet contraints d’accélérer leurs investissements.

Désormais, le thème élargi de la sobriété carbone supplante le champ plus restreint de l’efficacité énergétique, repoussant au passage les frontières du marché. Nous anticipons ainsi un bond de plus de 20% du marché tricolore des SEE d’ici 2025 qui pèsera alors près de 7 milliards d’euros (contre 5,5 milliards en 2021), avec l’exploitation-maintenance comme premier segment. L’inflation énergétique fait en effet exploser la facture de tous les agents économiques du pays, à commencer par les industriels qui ont ralenti, voire arrêté, toute ou partie de leur production pour certains d’entre eux (Cofigeo, Arc France, ArcelorMittal…).

Les subventions et autres aides forfaitaires distribuées par les pouvoirs publics pour faciliter le financement d’opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique stimulent également le marché. Enfin, le calendrier réglementaire rythme l’activité. L’État s’est ainsi engagé à suivre une trajectoire de décarbonation et de réduction de la consommation énergétique avec des objectifs contraignants d’ici 2030 et 2050. Sans oublier que les entreprises ont pris conscience de l’intérêt de communiquer autour des actions et données « vertes », au risque de faire du greenwashing.”

Cette extension du domaine de la lutte risque donc de transformer le marché en profondeur? 

“Déjà ravivées par la crise sanitaire, les implications de la crise énergétique réveillent les consciences écologiques et transforment de ce fait en profondeur le marché des SEE. Les géants des services énergétiques et multitechniques tout comme les cabinets spécialisés doivent en effet adapter leur offre, leurs pratiques et acquérir de nouvelles compétences, souvent par rachats. C’est ainsi que l’essor de l’autoconsommation consacre les acteurs intégrés de l’énergie.

L’expertise reconnue et la force de prescription des énergéticiens historiques et des challengers des renouvelables propulsent les acteurs comme EDF, Engie ou GreenYellow sur le devant de la scène avec leur portefeuille intégré de solutions. Précisons que le rapprochement stratégique entre opérateurs du financement et acteurs des SEE est un prérequis au décollage de telles solutions, à l’instar du partenariat de Greenflex avec le gestionnaire d’actifs Atlante Gestion pour lancer une solution de tiers investissement pour les industriels de la région Occitanie.

Et comme l’efficacité énergétique s’inscrit dans le marché plus large de la décarbonation, les spécialistes des SEE vont forcément élargir leur offre à la réalisation d’audits carbone et à la conception et l’implémentation de stratégie de décarbonation par exemple. Sans doute la redirection de la demande vers les stratégies de décarbonation risque de durablement impacter le jeu concurrentiel. Certains spécialistes du bas carbone comme Sweet pourraient d’ailleurs bien se retrouver en position de force en rachetant des petits acteurs indépendants des SEE.” 

Le jeu concurrentiel va dès lors lui aussi s’en trouver modifié ? 

“Le marché va clairement évoluer vers une distinction plus marquée entre BtoB et BtoC. Sur le premier segment, trois grands profils d’acteurs devraient dominer le jeu à moyen et long termes. Je pense aux énergéticiens et spécialistes de la valorisation in situ (comme EDF et Engie), aux indépendants des SEE (Deepki par exemple) et, à la marge, aux groupes diversifiés dans le bâtiment, le multitechique ou le facility management à la faveur d’acquisitions stratégiques.

D’autres poids lourds comme Bouygues ou Vinci sont également susceptibles de capter une part du marché des SEE. Dans le BtoC, le jeu concurrentiel continuera d’évoluer autour des énergéticiens historiques, des spécialistes du conseil et du financement (en particulier les délégataires de CEE comme Effy), et peut-être un jour les GAFAM avec l’essor de la smart home.” 

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