Les balcons en souffrance : une situation qui inquiète

Angers (Maine-et-Loire), il y a cinq ans, un balcon cède lors d’une soirée, entraînant le décès de quatre jeunes. On estime que la France compte aujourd’hui 10 à 15 millions de balcons qui viennent parfois alimenter la rubrique des faits divers. Un risque souvent mal identifié, pour lequel Jean-Pierre Thomas, responsable des spécialités de la cellule Fort Enjeu chez Stelliant, réfléchit justement à des solutions.

Après le drame, le temps de la réflexion. En 2019, un rapport intitulé « Balcons : points de vigilance » commandé par le ministère du Logement et réalisé par l’Agence Qualité Construction (AQC), met en lumière les causes de ces sinistres. Jean-Pierre Thomas, expert en charge de cette étude, confirme que « cette enquête avait pour but d’informer et d’alerter sur les problèmes des balcons (…). Il n’y a pourtant rien qui a fondamentalement changé, même si une évolution des exigences réglementaires (thermique, sismique, etc.) a sophistiqué leur mode de réalisation ». Selon le rapport, dix à quinze balcons s’écroulent pourtant chaque année, sans nécessairement faire (heureusement) de victimes. « En moyenne, un logement est signalé chaque mois, et très souvent bien au-delà du délai de la garantie décennale », ajoute Jean-Pierre ThomasLe signalement peut être une anomalie, un défaut, une intervention, etc. Sur quinze millions de balcons, cela reste finalement peu, mais tous ne font pas forcément l’objet d’un signalement. 

Les causes ? Elles sont multiples, défaut d’étanchéité, défauts structurels, infiltrations, dégradations… « Sur les cas étudiés, les causes sont souvent dues au vieillissement, à l’entretien et à la conservation du balcon. » Les balcons concernés sont principalement ceux construits avant 2000, sauf exception, avec pour la grande majorité du béton comme élément constitutif, loin devant les balcons en pierre ou en bois. « Sur 100 cas observés, la plupart des problèmes ont été recensés sur les balcons en béton, mais on ne peut pas réellement tirer de conclusions puisque ce sont ceux que l’on retrouve le plus dans les modes constructifs en usage. »

Bien sûr, un balcon ne s’effondre pas du jour au lendemain. Des fissures, des traces de rouille, de l’eau qui stagne, des indices peuvent alerter, mais encore faut-il y prêter attention car aucun suivi n’existe pour suivre la dégradation des balcons. Avant la tragédie d’Angers, les jeunes avaient signalé que le balcon tremblait, et pourtant rien n’a été fait. Les balcons du bâtiment à droite, identiques, avaient bénéficié d’une rénovation.

Prévenir les effondrements

Le risque reste largement méconnu. Jean-Pierre Thomas confirme qu’il faut « informer, sensibiliser et s’engager ». L’expert de Stelliant participe à un groupe d’études qui a pour projet de créer un guide afin de pouvoir établir un outil de réflexion aussi complet que possible pour la bonne conception et la bonne réalisation des balcons. « L’objectif est d’alerter les constructeurs sur les particularités des balcons, assister les gens et effectuer un suivi d’après travaux. On espère que ce projet puisse voir le jour d’ici deux-trois ans. »

Même avis pour Dominique Boussuge, présidente de l’Institut international des experts. Dans un documentaire diffusé sur France 5 (du dimanche 5 décembre 2021), L’envers du béton, l’experte plaide justement pour « un contrôle technique sur le même principe que celui des voitures, tous les cinq ans, afin de pouvoir entretenir et rénover ces bâtiments ».

Aucun contrôle réglementaire n’existe à ce jour, mais Jean-Pierre Thomas réfléchit justement à un diagnostic. Dès qu’un signalement sera effectué ou rapporté à un syndic par exemple, une procédure pourrait ainsi être mise en place pour créer « des obligations de rénovation et avoir une prise en charge rapide ». En prenant en compte différents paramètres comme la vétusté, la situation géographique, les caractéristiques du bâtiment (dimensions, hauteur, implantation, etc.) ou les éléments structurels, pour adapter la périodicité. L’expert prend en exemple le cas de Monaco, qui, avec un arrêté ministériel (n° 2005-238 du 09/05/2005 modifié), fixant les conditions d’occupation des balcons, loggias et terrasses des immeubles lors des Grands Prix automobiles exige, un contrôle des balcons bordant le circuit urbain de Formule 1, avant le début du grand prix. Un exemple forcément anecdotique, mais qui démontre à la fois l’existence d’un risque et de solutions.

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