Pour rénover plus, il faut subventionner plus. Sur le papier, la nouvelle mouture de MaPrimeRénov’ avec un budget singulièrement revu à la hausse a de quoi séduire. Mais on oublie que le financier n’est pas le seul frein à la rénovation : l’examen du PLF 2024 révèle que tous les crédits de MaPrimeRénov’ 2023 sont loin d’avoir été consommés.
L’État remet la main à la poche. Ça été dit, redit et répété. Pour soutenir l’élan de rénovation, pour lui donner un nouveau virage, le gouvernement avait annoncé, dès cet été, une hausse record pour MaPrimeRénov’ : +1,6 milliards d’euros. Une augmentation qui survient après déjà une rallonge en 2023 qui avait vu le budget de la prime passer de 2 à 2,6 milliards d’euros.
Au moment de traduire cette annonce dans le Projet de loi de finance 2024, l’augmentation a fondu pourtant : +247 millions d’euros pour MPR, et + 669 millions d’euros pour l’Anah, on est loin des 1,6 milliard d’euros pourtant promis.
L’explication est simple. Malgré une abondante publicité, tous les crédits engagés pour MPR sont loin d’avoir consommés en 2023. Il reste un milliard d’euros de l’aveu même de Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, auditionné en Commission des finances à l’Assemblée nationale fin octobre, dans le cadre du Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.
Rien ne sert d’augmenter, commençons par dépenser !
Cela vaut pour les chèques énergie, cela vaut aussi pour MaPrimeRénov’. « La sous-exécution de différents chèques énergie explique l’annulation de 400 millions d’euros de crédits. Celle de MaPrimeRénov’ justifie l’annulation de 1 milliard d’euros », explique le ministre.
Quelques jours auparavant, en commission des affaires économiques, Jérôme Nury député Républicain et rapporteur, dressait déjà le même constat : « Nous ne dépensons chaque année que la moitié des crédits provisionnés pour MaPrimeRénov’ ». « Il ne sert à rien de vouloir les augmenter, commençons par les dépenser ! » Comment expliquer cette sous-utilisation ? « Comme cela a été souligné, les professionnels du bâtiment ne vont pas pouvoir suivre, parce qu’ils font face à des pénuries de main-d’œuvre et de matériaux. »
L’explication est reprise par le ministre des Comptes publics quelques jours plus tard. « Le rythme des rénovations n’a pas été aussi rapide que ce que nous souhaitions tous, en raison de l’augmentation des coûts des matériaux d’une part, et d’une forte demande et des difficultés de la filière à trouver des personnels formés pour conduire des rénovations d’autre part », justifie le ministre.
Reste à charge souvent rédhibitoire pour les ménages, complexité des aides, difficulté à trouver des artisans qualifiés RGE… Les freins à la rénovation sont identifiés de longue date. « Pour remobiliser cet outil indispensable et atteindre nos objectifs ambitieux en matière de rénovation énergétique, nous abaissons dans le PLF pour 2024 le reste à charge, nous augmentons les plafonds et nous donnons la priorité aux rénovations globales », explique Thomas Cazenave.
Pour réduire le reste à charge, le gouvernement compte d’abord sur la nouvelle version de MaPrimeRénov’, qui doit financer jusqu’à 90% des travaux selon les annonces, pour les ménages les plus modestes. De même l’AccompagnateurRénov’ censé décoller dès janvier, doit permettre aux ménages de s’y retrouver dans le maquis des aides. Avec ce dispositif, le gouvernement escompte ainsi 200.00 rénovations globales contre environ 35.000 actuellement, en 2023. Ambitieux, terriblement ambitieux. Car cela suppose de lever aussi un autre écueil : des professionnels en nombre suffisant pour accompagner les ménages et ensuite réaliser les travaux.
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