On parle beaucoup de locataires mauvais payeurs ces derniers jours, avec la proposition de loi contre les squats et loyers impayés. La justice montre que dans les litiges bailleur-locataire, c’est loin d’être toujours aussi simple. Logement énergivore, surface habitable insuffisante, décence, le locataire a aussi des arguments à faire valoir et il ne s’en prive pas.
Les histoires d’impayés de loyers qui finissent devant les tribunaux, réservent parfois de savoureux retournements de situations. En mai 2022, un propriétaire avait fait assigner son locataire, lui réclamant plus de 5.000 euros de loyers en retard pour une chambre meublée dans le 16e à Paris. Mal lui en a pris, la justice a finalement condamné le bailleur à verser près de 11.000 euros au locataire au titre du préjudice de jouissance. La chambre louée mesurait seulement 6,89 m² quand la réglementation exige au grand minimum 9 m². Puisque le logement n’est pas décent, il ne pouvait donc pas être loué.
Rebelote en septembre. Une propriétaire qui avait assigné une locataire en justice se retrouve finalement avec plus de 20.000 euros à payer, l’équivalent de quatre années de loyers “indûment” versés. La chambre sous les toits dans le 11e arrondissement avait une surface au sol de 9 m², mais sa surface habitable ne dépassait pas 5 m². L’arroseur arrosé, l’indélicat locataire qui ne payait pas ses loyers devient ainsi la victime d’un marchand de sommeil.
DPE absent = perte de chance pour le locataire
La non-décence revient souvent dans les plaidoiries des avocats chargés de défendre les locataires. Depuis 20 ans, la réglementation sur la décence du logement s’est considérablement étoffée et donne du grain à moudre. Des équipements défaillants, une installation électrique dangereuse, des nuisibles qui empoisonnent l’existence, une humidité abondante, ou une surconsommation énergétique, deviennent une façon de faire pencher la balance en faveur du locataire.
Et alors que la notion de décence énergétique n’arrivera véritablement qu’en janvier, on voit que l’argument est déjà invoqué. Sans doute que dans un contexte de crise énergétique, avec l’interdiction des pires passoires énergétiques, la notion est appelée à prospérer. L’absence même du DPE, comme on le voit encore trop souvent dans les locations de particulier à particulier, est déjà préjudiciable.
Fin novembre, dans un litige sur le paiement des loyers et la consommation d’énergie (*), la cour d’appel de Grenoble a accordé un dédommagement à des locataires assignés en justice. Face à son ancien bailleur, le couple se plaignait d’une surconsommation de gaz et de l’absence de diagnostic au moment de signer le bail.
Le tribunal leur a donné raison sur ce point accordant 500 euros au locataire pour à peine plus d’un an d’occupation. “Le diagnostic de performance énergétique a été réalisé plus d’un an après l’entrée dans les lieux des locataires, et la bailleresse a donc bien manqué aux obligations qui lui incombent. Le préjudice consiste en l’impossibilité pour les locataires de souscrire le contrat en tout connaissance de cause.” Dit autrement, si le locataire avait su combien le logement était énergivore, peut-être n’aurait-il pas signé le bail. Faute de DPE, il a donc perdu une chance de ne pas contracter.
(*) CA de Grenoble, 29 novembre 2022, n° 21-00107.
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