La rénovation apparaît de plus en plus indispensable, mais elle semble bien mal embarquée si on veut un parc vertueux à horizon 2050. Dans un avis émis fin novembre, le Conseil économique social environnemental (CESE) émet à son tour plusieurs propositions pour massifier les travaux de rénovation performante. Et puisque l’incitation a ses limites, l’assemblée s’interroge aussi sur l’élargissement des obligations de rénovation et leur accompagnement.
L’état des lieux, on le connaît. Le bâtiment qui concentre 40% des consommations énergétiques, sept millions de passoires, 12 millions de personnes qui souffrent de précarité énergétique, des aides financières peu lisibles, une multiplicité d’acteurs… Et un objectif de neutralité carbone à horizon 2050 qui fait doucement sourire, car au rythme actuel, la France ne sera jamais dans les clous. Moralité, il faudra rénover plus, il faudra aussi rénover mieux. “Il est donc urgent d’intensifier les efforts pour massifier les travaux de rénovation performante, grâce à une politique ambitieuse”, selon le CESE.
Plus d’aides, plus d’accompagnement, plus de sensibilisation-communication, jusque là tout le monde est d’accord. Oui, mais avec quel cadre réglementaire? Peut-on encore se contenter d’inciter les Français à rénover? Ou mieux vaut-il les contraindre? “Une question centrale se pose : faut-il privilégier la voie de l’incitation ou de l’obligation, sachant que dans ces deux cas de figure, les mesures de soutien et d’accompagnement doivent être renforcées ?”
Plus d’obligations de rénovation
L’incitation, les gouvernements successifs depuis le Grenelle ont essayé, imaginant une foule de dispositifs. Sans grand succès, reconnaissons-le. “(L’) arsenal, législatif, normatif et budgétaire, complexe et très évolutif, même s’il a généré des avancées non négligeables n’a pas permis d’atteindre les objectifs fixés, constate le CESE. En effet, les émissions de GES générées par les bâtiments n’ont baissé que de 3,1 % sur la période 1990/2017.”
L’obligation, alors ? La loi Énergie-Climat de 2019 y a déjà songé. Elle imposait au minimum une étiquette E pour tout logement avec l’ambition d’éradiquer les passoires thermiques dès 2028. Que l’on soit propriétaire bailleur ou occupant, sans distinction. Ambitieux, trop peut-être. Car la disposition a sombré aux oubliettes, tant elle paraissait impossible à mettre en œuvre.
La loi Climat et résilience de 2021 a repris le flambeau. On y trouve toujours une obligation de rénovation, mais uniquement pour les logements en location classés F et G. Résultat, sur les 7 millions de passoires recensées en France, deux millions grand maximum seront traitées, au mieux à horizon 2028. Pour les autres logements, le système demeure purement incitatif puisque rien n’oblige aujourd’hui un propriétaire occupant à rénover son logement.
Pour massifier la rénovation, et tenir les objectifs de neutralité carbone, le CESE réfléchit donc à un élargissement “des obligations de rénovation énergétique à des catégories ou des situations plus nombreuses qu’actuellement”. Qui serait concerné? Le CESE n’entre pas dans le détail, mais les copropriétés qui pèsent 10 millions de logements et pour lesquelles la rénovation apparaît si délicate, sont dans le collimateur.
Sans doute plus facile à dire qu’à faire. On le voit déjà avec le calendrier de la loi Climat et résilience qui se heurte à une incompréhension, voire une opposition, entre la difficulté à financer une rénovation ou le risque de voir le marché immobilier déstabilisé. Des obligations de rénovation supplémentaires, la pilule risquerait fort de ne pas passer.
Un audit pour tous les bâtiments
Le CESE en a conscience, il pose plusieurs conditions à un élargissement des obligations de rénovation. “La voie d’une obligation progressive pourra être retenue si les conditions de son acceptabilité sociale et sociétale sont effectivement réunies dès sa mise en œuvre, grâce à une volonté politique affirmée”.
Plusieurs défis devront donc être relevés selon le Conseil économique social environnemental. Le premier, sans trop de surprise, est financier. La rénovation coûte cher, très cher, “entre 25.000 et 60.000 euros” en moyenne. Il faudra donc que les pouvoirs publics mettent davantage la main à la poche avec des aides plus généreuses, et qu’ils proposent aussi des solutions pour le reste à charge des ménages, même lorsque ceux-ci ne sont pas comptés parmi les plus démunis.
Le deuxième défi est le manque de sensibilisation des propriétaires. Même si la crise énergétique aide sans doute à faire entrer la rénovation énergétique dans les mœurs, on reste loin du compte. Un Français sur deux estime que son logement n’a pas besoin d’être rénové, de nombreux logements n’ont jamais été diagnostiqués. Le CESE préconise donc la réalisation, dans un délai de cinq ans, “d’un audit normalisé” “pour chaque bâtiment et chaque logement y compris en copropriété”. Cet audit serait encore plus ambitieux que l’audit énergétique annoncé pour avril avec une dose de biodiversité, une dose d’accessibilité pour faire face au vieillissement de la population et même des propositions d’entreprises pour réaliser les travaux. Cet audit généralisé doit ainsi aider à une meilleure prise de conscience au sein de la population pour peut-être lui faire accepter ensuite de nouvelles obligations de rénovation.
Le CESE reste cependant prudent. Qu’il s’agisse de nouvelles obligations ciblées, ou d’une “obligation totale et systématique de rénovation globale”, les risques devront d’abord être mesurés. L’assemblée préconise ainsi la création d’une “mission gouvernementale ayant pour objet de déterminer avant fin 2024 les modalités, les mesures d’accompagnement et le calendrier, permettant d’instituer une obligation de rénovation globale de l’ensemble des logements, socialement, sociétalement et budgétairement soutenable”. Le gouvernement disposerait alors d’un rapport qui pourrait inspirer une loi dès 2025, avec sans doute de nouvelles obligations, mais aussi de nouveaux moyens pour mieux faire passer la pilule.
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