Ce n’est pas la première fois que la Fnaim alerte les pouvoirs publics sur l’impossibilité à tenir les échéances de rénovation tel qu’elles ont été décidées aujourd’hui. Lors de sa conférence de rentrée, mercredi, Loïc Cantin, le nouveau boss de la fédération, en a remis une couche. Dans les conditions actuelles, le calendrier est “intenable, insoutenable”.
Pour le nouveau président de la Fnaim, c’est d’abord au niveau des copropriétés que ça coince. Car beaucoup de ces logements F et G, visés par les futures interdictions de location à horizon 2025 ou 2028, sont aujourd’hui des appartements en copropriétés.
La prise de conscience existe bel et bien. La Fnaim constate une nette progression des travaux en copro, puisque trois syndics sur dix ont fait voter davantage de travaux pour améliorer la performance de leur immeuble au cours des six derniers mois. Mais cela ne sera pas suffisant pour faire face aux interdictions de location qui arrivent à grands pas. Car le calendrier voulu par la loi Climat et résilience n’est pas compatible avec le temps de décision.
Loïc Cantin prend un exemple tout simple, celui d’une isolation thermique par l’extérieur: entre le vote des travaux et le démarrage du chantier, près de la moitié des copropriétés (48%) voit s’écouler entre une et deux années. Pour un quart des copropriétés, ce délai est même supérieur à deux ans. Autrement dit, pour être dans les clous en 2025, c’est aujourd’hui que la décision doit être prise.
Un “plan Marshall” pour la rénovation
La difficulté à tenir le calendrier ne tient pas seulement au circuit de décision en copro, elle s’explique aussi par un contexte tendu. “Le marché des prestataires du bâtiment est un marché encombré. Quel Français n’a pas connu de difficultés pour trouver un couvreur, un maçon, un plombier, un électricien… Au moment où la médecine est en danger, il est d’ailleurs plus facile de trouver un médecin qu’un couvreur.” La fédération s’est livrée à un exercice comparatif: depuis 40 ans, le nombre de logements n’a cessé de croître, mais paradoxalement, le monde du bâtiment compte de moins en moins d’effectifs. Le niveau de salariés du bâtiment rapporté au nombre de logements n’a jamais été aussi bas qu’au cours de ces dernières années.
Pour la Fnaim, le nombre d’artisans est aujourd’hui insuffisant pour répondre aux ambitions gouvernementales. D’autant que les aides à la rénovation énergétique exigent un signe de qualité RGE (Reconnu garant de l’environnement) que détiennent (seulement) 16% des 700.000 entreprises du bâtiment recensées en France. À l’approche des échéances de 2025 et 2028, Loïc Cantin craint donc “un embouteillage” et réclame un “plan Marshall” pour réussir la rénovation des bâtiments.
Assouplissement du calendrier
Des mécanismes de décision longs, des entreprises du bâtiment insuffisantes pour répondre à la demande, le calendrier dessiné par la loi Climat et résilience apparaît tout simplement “intenable” et “insoutenable” aux yeux de Loïc Cantin. “En réalité, nous avons deux calendriers qui se télescopent.” Le premier, largement médiatisé, concerne les interdictions de location de passoires énergétiques; le second, porte sur la mise en œuvre du PPT (Plan pluriannuel de travaux), outil essentiel pour la rénovation des copros. La Fnaim y voit pourtant une sérieuse incohérence puisque le calendrier du PPT ne laisse pas suffisamment de temps avant les interdictions.
Depuis plusieurs mois, la Fnaim invite donc le gouvernement à revoir sa copie. Pour éviter que trop de logements ne soient frappés du sceau de l’indécence énergétique dès 2025, avec tout ce que cela sous entend pour le fragile marché du locatif, la fédération réclame un assouplissement. Que l’interdiction de location soit laissée en suspens lorsque la copropriété s’est engagée dans un Plan pluriannuel de travaux. Loïc Cantin y voit “une mesure de bon sens” afin d’éviter “d’ajouter de la tension à un marché déjà tendu”.
Une autre revendication, récurrente elle-aussi, consiste à revoir le calendrier de la rénovation en l’alignant sur les échéances européennes: obligation de rénovation des logements G en 2030, des logements F en 2033. Le calendrier ne serait pas moins ambitieux pour autant, car loin de se borner au seul parc locatif, il pourrait alors s’adresser à l’ensemble du parc immobilier.
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